Arguments de vente
3min -Le grand physicien Richard Feynman disait « Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c’est que vous n’avez rien compris ». Il disait même à ses étudiants « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis mal exprimé. ».
Cette part de la science, qui fête bientôt son centenaire, a révolutionné notre époque. Et effectivement, nous avons tous vaguement entendu des mots comme « intrication », « constante de Planck », « principe d’incertitude ». On sait confusément que cela concerne les particules et les ondes. Et puis il y a cette vague histoire de chat qui est dans une boîte et dont on ne sait pas s’il est vivant ou mort tant qu’on ne l’a pas ouverte…
Aujourd’hui est en cours une véritable révolution, celle de l’ordinateur quantique qui surpassera en vitesse et en puissance tout ce qu’on a connu jusqu’à présent, reléguant nos machines d’aujourd’hui au rang des calculettes des années 70. Couplé à l’intelligence artificielle, les enjeux sont majeurs.
(Là, en général, le lecteur se demande « mais où veut-elle en venir ? ». Patience.)
La science a toujours largement influencé la société et le commerce. Prenons l’exemple du radium et de la radioactivité. A l’heure, où un débat fait rage sur la destruction ou non du Pavillon des sources où Marie Curie a travaillé, on a oublié qu’à une époque, un argument de vente de nombreux produits était que justement ils étaient radioactifs ! Dont des crèmes de beauté, des savons et des dentifrices composés de radium et de thorium. Promesses de jeunesse et de luminescence, certains de ces produits n’ont été interdits que dans les années 60. On ne sait pas ce qu’il est advenu des utilisateurs.
Aujourd’hui, c’est une grande marque de luxe qui a lancé une crème « quantique ». Censée « restaurer la lumière d’une cellule jeune » (mazette !), elle contribuerait au rajeunissement de la peau. C’est nouveau, ça vient de sortir. On y croit, ou on n’y croit pas.
On n’y croit plutôt pas, parce que cela fait des décennies qu’on vend des crèmes rajeunissantes et qu’on vieillit quand même.
(« Où veut-elle en venir ? » le retour)
Là où ça devient intéressant c’est qu’avec cet argument massue, la crème est vendue 650 euros pour 50 millilitres. Soit 13 000 euros le litre. Même la crème au caviar est moins chère ! (Oui la crème au caviar ça existe). Mais apparemment, il doit y avoir des gens qui achètent.
Alors, dans cette période de grosse morosité économique, alors que les entreprises sont à la peine en termes de volumes, d’activité et surtout de relations tarifaires avec leurs clients, on se demande si on ne devrait pas trouver de nouveaux arguments de vente.
Assez de dire que le transport routier de marchandises est indispensable, fiable, rapide et sûr. Assez de dire que nous sommes le flux sanguin de l’économie, indispensable à tous les acteurs de production, de distribution et de vente, et aux consommateurs. Assez de dire que nous allons partout, tout le temps, par tous les temps (presque). Ce sont de vieux arguments. Tournons-nous vers la nouveauté !
Nous rayonnons partout, nous sommes la base, le tissu, l’essence même de la prospérité et du progrès. Sans le transport routier, tout s’arrête. Comme les particules élémentaires qui composent la matière.
Devenons quantiques. Le transport quantique, ça sonne bien non ?
Non ?
Comme quoi, un nouvel argument de vente n’est pas forcément toujours bon.
Vu la déprime générale, il faut sans doute quitter la science pour tenter de garder la Foi.
Et prier. (Le quantique des quantiques ?).
Florence Berthelot