Chocolats
3min -Il y a des sujets qui reviennent régulièrement : les régimes avant l’été, la rentrée des classes, les repas de fête. Dans le journalisme, on appelle cela des « marronniers ».
Ceci est aussi valable en matière politique avec le fleurissement récurrent d’idées géniales. C’est le cas de la question du financement des politiques publiques. Le financement des retraites, des infrastructures, de la transition énergétique, et plus récemment de « l’industrie verte ».
L’objet est de favoriser la réindustrialisation de notre pays, mais si possible de manière écologiquement compatible. Une fois de plus, sur le papier tout cela est extrêmement séduisant, et on trouvera peu de grincheux pour en contester les objectifs.
Le problème avec les idées géniales est toujours le même : combien ça coûte ? Et avec son pendant inévitable : qui va payer ?
La lecture du rapport des cinq groupes de travail qui ont planché sur le projet de loi est assez intéressant. Une trentaine de projets sont présentés et, pour chacun, ont été identifiés un problème et une solution.
Page 18, on trouve la section « Financer les mesures annoncées ». Le problème sur ce point bien encadré est : « Coût du projet de loi pour les finances publiques : 0 euro ».
Formidable : non seulement la loi ne va rien coûter à l’État mais en plus c’est qualifié de « problème ».
Donc, puisque le fait que cela ne coûte pas, il faut une solution (vous suivez toujours ?).
Trois pistes sont évoquées. Dont la réduction des « dépenses fiscales brunes, en relevant certains taux réduits de TICPE en concertation avec les acteurs concernés afin de favoriser leur transition décarbonée à travers des mesures de soutien. »
Eh bien voilà ! Cela faisait longtemps qu’on ne louchait pas directement vers la fameuse ristourne de TICPE dont bénéficient les transporteurs routiers (en application d’ailleurs d’une Directive européenne).
Son rabot progressif jusqu’à sa disparition en 2030 avait déjà été adopté par la loi « Climat et résilience » en 2021. On en remet en couche en qualifiant ce dispositif de « dépense fiscale brune ». Chapeau pour les éléments de langage qui touchent -négativement- à notre inconscient (la peste brune ?).
Bon, nous sommes rassurés parce que cela se fera « en concertation » avec les acteurs concernés. Donc nous. On aurait peut-être préféré qu’on nous en parle avant. Et il faut souhaiter que la concertation ne se résume pas à une ou deux vagues réunions, dont les conclusions auront été actées avant le début des travaux.
Rappelons juste que le montant total de cette ristourne est d’environ 1.5 milliard d’euros. Qu’en face, le coût du verdissement des flottes de camions est de plusieurs dizaines de milliards. Et que ce n’est pas en alourdissant la facture fiscale des transporteurs qu’on va vraiment les aider à investir dans des véhicules plus chers avec des énergies plus chères.
Énergies dont le coût va nécessairement augmenter car l’État perdant petit à petit la manne de la fiscalité sur les énergies fossiles finira bien, à un moment ou à un autre, à vouloir se rattraper sur les énergies renouvelables.
C’est une équation infernale dont la logique est toute particulière quand même...
On se demande si en cette période pascale, certains ne se sont pas mis dans la tête de chercher la poule plutôt que les œufs, en imaginant qu’elle pond de l’or.
Avec ce genre d’idée, tout le monde finira « chocolat ».
Florence Berthelot