Coup de gueule

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Coup de gueule

C’est désormais certain : les chaines d’information en continu, faute sans doute d’informations, tendent à remplir leurs grilles de pseudo débats avec des pseudo experts. Parmi ces derniers certains en viennent à parler de ce qu’ils ne connaissent pas, et tout gonflés d’importance de cette exposition médiatique éphémère, se mettent à raconter n’importe quoi.

C’est ainsi qu’un journaliste, ancien Directeur de Charlie Hebdo (tout de même...), s’est fendu le week-end dernier d’une déclaration surréaliste aux termes de laquelle c’étaient les « routiers » qui avaient propagé le SIDA au début de l’épidémie dans les années 1980. Zéro source à l’appui, citant des études que personne ne connaît (si elles existent), il a précisé que c’était parce que les « routiers » passaient les frontières. Ah…

Atténuant son propos, par un condescendant « ce n’est pas leur faute », il est revenu au présent en les qualifiant de « vecteurs de virus ».

Le but était sans doute de vouloir discréditer les routiers canadiens qui se sont installés à Ottawa pour demander la levée des mesures sanitaires. Mais ce faisant, ce sont tous les routiers du monde qui se sont vus imputer l’épidémie de SIDA qui a causé la mort de 38 millions de personnes depuis 40 ans.

Les bras nous en tombent. Il faut avoir connu ces années où cette terrible maladie se propageait au même rythme que les rumeurs les plus folles sur sa transmission, sa gestion, ses causes et ses conséquences, pour savoir qu’un tel sujet ne peut être pris à la légère ou par des raccourcis, ou encore pour stigmatiser qui que ce soit.

« Ils passent les frontières ». Et… ? Ce sont les seuls ? Pas les touristes ou d’autres professions ?

Ils sont vecteurs de virus ? Faux ! Quand des milliers de conducteurs européens se sont trouvés bloqués au Royaume-Uni (Noël 2020 on ne peut pas l’oublier), des milliers de tests furent réalisés pour qu’ils puissent regagner le continent. Moralité ? Un taux de positivité très largement inférieur à celui de la population générale !

Les conducteurs routiers sont peu en contact avec le public et les protocoles sanitaires mis en place par les professionnels ont été scrupuleusement respectés. Et sans eux, rappelons-le, tout se serait arrêté.

Il est très grave de lancer en l’air des arguments infondés, teintés d’un léger mépris de classe, pour se faire valoir. Le secteur du transport routier, pourtant si indispensable aux économies et aux citoyens, est déjà ciblé, de manière parfaitement injuste, pour tous les maux de la terre (pollution, réchauffement climatique, etc.). Il faut être sacrément gonflé pour y ajouter l’épidémie de SIDA.

La seule consolation de toute cette histoire réside dans les milliers de réactions qui ont suivi ces déclarations sur les réseaux sociaux : professeurs de médecine, personnes publiques ou anonymes, et même ACT UP, ils ont tous dénoncé cette monstruosité. Et apporté leur soutien aux « routiers ».

Comme quoi, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas parce qu’on parle à la télé, qu’on peut fabriquer l’opinion publique.

Une chose est sûre, il est urgent que tout cela s’arrête : n’ajoutons pas à l’épidémie réelle une épidémie de « bêtise ». Pour ne pas utiliser un autre mot. Mais que voulez-vous ? Dans le transport routier, on a non seulement des valeurs, mais aussi des manières.

Florence Berthelot

 

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