Discours de Florence Dupasquier lors du 78ème congrès de la FNTR
-Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux d’administration centrale,
Mesdames et Messieurs et Présidents et Directeurs généraux d’organisations professionnelles et syndicales,
Chers collègues,
Monsieur le Ministre, nous partageons d’ores et déjà un point commun. C’est la première fois que nous prenons la parole devant les membres et invités du Congrès de la FNTR.
Vous, en tant que ministre des Transports récemment nommé, moi en tant que Présidente, nouvellement élue de la Fédération.
L’exercice est forcément toujours impressionnant. Je succède à Jean-Christophe Pic que je salue. Jean-Christophe, tu as été Président pendant plus de 15 ans et je tiens à te remercier au nom de tous pour toutes ses années à la tête de la Fédération et pour tous les combats menés et ils ont été nombreux.
Merci.
J’ai également une pensée pour les autres Présidents de la FNTR qui se sont succédé depuis sa création et j’aurai à cœur de poursuivre les actions engagées au service des adhérents, du monde économique et de la société
La FNTR est l’organisation incontournable du transport routier et de la logistique qui a à cœur d’apporter des solutions tout en sachant s’opposer quand c’est nécessaire. Nous sommes les héritiers d’une magnifique histoire et les garants de l’avenir de cette belle organisation.
L’avenir du transport routier de marchandises et de la logistique, c’est le thème de notre Congrès, la jeunesse, la transmission, l’innovation.
Souvent, les élus que nous rencontrons connaissent mieux le transport de personnes que le transport routier de marchandises. Et parfois, (est-ce possible ?) ils ont des préjugés. Or, dans l’Histoire, la mobilité des biens, des marchandises a toujours été un vecteur de civilisation et de progrès.
Ce sont les échanges de biens, en plus de la mobilité des personnes qui ont façonné notre monde et contribuent à la prospérité.
Le transport routier et la logistique sont toujours un peu invisibles. Ainsi si tout le monde s’est félicité du succès des Jeux Olympiques et Paralympiques, peu ont remercié les transporteurs et les logisticiens d’avoir fait leur travail dans ces conditions très particulières. Je tiens à les remercier pour leur contribution à ce succès.
Mais Monsieur le Ministre, si on doit parler de prospérité, il faut souligner que la situation économique que nous traversons est particulièrement difficile. Les défaillances d’entreprise se situent à un niveau historiquement élevé. Les recrutements ralentissent. Les investissements sont à l’arrêt.
Les crises se succèdent et même si un chef d’entreprise est toujours prêt à affronter les tempêtes, le découragement saisit bien des entrepreneurs de transport car on ne voit pas d’accalmie.
C’est donc, d’abord, un message d’inquiétude que je dois délivrer notamment dans le cadre des débats budgétaires qui ont lieu en ce moment.
Nous connaissons l’état de nos finances publiques. Nous savons l’endettement qui est celui de notre pays. Et quoi que l’on en dise, nous, nous le savons depuis longtemps. Il nous est dit aujourd’hui de faire des efforts.
Les mesures présentées dans le Projet de loi de Finances, et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne sont plus des efforts ; ce sont des tours de vis qui vont mettre en péril la survie d’entreprises déjà fragilisées. Malgré les ambitions affichées, il est patent que le coût du travail va augmenter.
Que ce soit la révision du calcul des allègements généraux de charges, ou de la quasi annihilation de la DFS, déduction forfaitaire spécifique, le coût du travail va augmenter pour les entreprises sans que, pour autant, les salariés n’en bénéficient. Nous savons prendre nos responsabilités dans les négociations de branche et nous l’avons prouvé ces dernières années en signant des accords de NAO. Mais l’Etat vient ici perturber cette approche paritaire.
Et si je parle de la déduction forfaitaire spécifique, c’est bien parce que l’Etat, il y a deux ans, a pris des engagements afin de maintenir le dispositif jusqu’à une disparition progressive à horizon 2034. Or une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale en discussion vise à faire quasiment disparaitre ce dispositif de manière rétroactive.
Où est la parole de l’Etat ? Ce n’est pas parce qu’un gouvernement change que les engagements tombent. Un des carburants de l’économie c’est la confiance et là, non seulement elle sera perdue mais une telle mesure et rétroactive en plus va plomber beaucoup d’entreprises.
Certes, et vous l’avez rapidement annoncé, nous n’aurons pas de rabot de la ristourne TICPE cette année mais il nous faut anticiper l’arrivée du dispositif ETS en 2027 qui va augmenter le coût du carburant.
Et je ne saurais passer sous silence les écotaxes régionales et notamment l’instauration prochaine du R-Pass en Alsace. Nous tenons en tant que Fédération à souligner notre absolue solidarité avec les transporteurs et le monde économique alsacien. Nous nous opposons fermement à cette fiscalité qui va d’abord toucher les transporteurs nationaux et handicaper un peu plus leur compétitivité.
D’autant que nous savons que d’autres régions ont manifesté leur intérêt -dont le Grand Est- et que nous avons le désagréable sentiment de revivre le mauvais feuilleton de l’écotaxe qui a mobilisé les énergies entre 2007 et 2015.
Qui peut imaginer que nous pouvons absorber ces surcoûts ? Qui peut imaginer que nos clients vont accepter gaiement que nous tentions de répercuter ces hausses ?
Et surtout, Monsieur le Ministre, pourquoi faire ? Car on ne cesse de nous dire que cela permettrait le financement des infrastructures. Sauf que la Directive Eurovignette ne permet qu’une affectation de 15% de la recette vers la route, le reste partant …. ailleurs.
Et c’est bien là le problème, c’est de disposer d’alibis pour justifier les prélèvements sociaux et fiscaux sans jamais en avoir le retour.
Nous connaissons votre attachement à ces questions de financement des infrastructures. Nous savons que vous êtes l’initiateur des Assises de la route qui vont se tenir en 2025.
Nous souhaitons vivement y participer et contribuer aux débats comme nous l’avons toujours fait.
Il faudra sans doute réfléchir à un accompagnement plus poussé encore pour nos entreprises.
D’autant que nous avons aussi d’autres enjeux, structurants, sur lesquels les questions de financement sont tout aussi aigues. Je pense notamment à la question majeure de la transition énergétique. Notre conviction est que la décarbonation est indispensable mais qu’il ne faut pas mélanger les sujets. Nous devons quitter les énergies fossiles, mais cela ne signifie pas forcément, et en tout cas pas tout de suite, de tirer un trait sur les moteurs thermiques.
Cette approche a été particulièrement mise en évidence lors des dernières rencontres de la filière de la Fédération de la carrosserie où le sujet du mix énergétique est revenu sur le devant de la scène. Oui la motorisation électrique à batterie a sa pertinence notamment en matière de distribution urbaine, mais l’hydrogène est aussi prometteur. Tout comme le GNV (Gaz Naturel Véhicule) que nous continuons de promouvoir ainsi que les carburants liquide bas carbone dont le HVO.
Je me permets de souligner qu’ailleurs en Europe on peut se ravitailler en HVO dans les stations-service alors que cela démarre timidement en France.
Cela suppose, comme je l’ai dit, des financements, mais aussi et surtout la prise de conscience que le transport de demain va coûter plus cher qu’aujourd’hui. Au-delà de la simple prise de conscience, cette réalité devra se traduire dans les faits.
Autre dossier structurant : l’emploi et la formation. Nous aurons le plaisir de signer bientôt une convention avec France Travail et ce dans le prolongement de la mission menée voilà deux ans par Philippe Dole sur les métiers en tension.
A cet égard, je tiens à rappeler que le secteur du transport routier a toujours été à l’avant-garde en matière de formation, mais que là aussi nous voyons l’Etat réduire ses aides sur l’apprentissage et les crédits de France Compétence. Nous le déplorons et souhaitons souligner notre attachement au maintien de la ressource affectée qui nous est propre et qui est gérée par l’AFT.
Et au-delà de la formation, nous devons continuer de travailler sur l’attractivité des métiers, les conditions de travail de nos personnels et les conditions d’accueil de nos conducteurs. Des chantiers avaient été engagés avec votre Ministère et nous souhaitons ardemment qu’ils puissent être poursuivis. Je pense notamment aux suites qu’il conviendra de donner au rapport de M. Pierre Garcia sur le chargement-déchargement (sujet ô combien disputé mais sur lequel nous entendons poursuivre), ainsi que la phase 2 des travaux sur l’évolution du Congé de fin d’activité pour lequel l’Etat s’est engagé en termes de co-financement jusqu’en 2030.
Il s’agissait là aussi de la parole de l’Etat.
Je souhaiterais à ce stade -puisque nous évoquons votre Ministère et ses services- saluer les excellentes relations que nous entretenons avec la DGITM.
Dans les périodes politiques agitées de ces derniers mois, nous avons pu compter sur le Directeur Général Rodolphe Gintz et ses équipes, toujours à l’écoute sur tous les dossiers et ils sont nombreux : des ombrières à la délivrance des permis et des titres professionnels, des dossiers européens aux questions de sécurité routière, de la transition énergétique aux interdictions de circuler, des contrôles aux problèmes de sécurité des personnels et des véhicules, nous avons réellement la chance et le plaisir de travailler de concert. Et avec des interlocuteurs qui, comme nous, cherchent toujours à apporter des solutions.
Je sais que sur la délivrance du permis un décret est passé en Conseil d’Etat afin de pouvoir obtenir un titre provisoire le temps que le permis soit délivré. Nous tenons à vous remercier aussi pour cette avancée attendue depuis de nombreuses années.
Vous voyez, nous ne faisons pas que protester ou nous opposer !
C’est cette coopération qui a aussi porté ses fruits au niveau européen dans l’élaboration et l’adoption du Paquet Mobilité, validé presque complètement, au mois d’octobre, par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Cependant nous déplorons l’annulation de la mesure du retour du véhicule toutes les huit semaines dans son pays d’origine et pour une question de forme (absence d’étude d’impact). Nous espérons que le sujet soit rapidement remis sur la table de travail.
Nous formulons le même souhait avec la Directive poids et dimensions. Pourra-t-on enfin espérer obtenir le 44 tonnes transfrontalier ? Ainsi que l’expérimentation sur les éco-combis loin des arguments caricaturaux ou biaisés.
Nous n’opposons jamais les modes car nous sommes tous complémentaires entre le routier, le ferroviaire et le fluvial.
Et ce n’est pas en contraignant la route qu’on développera les autres modes.
Comme nous le disons souvent : « On ne lâche rien !»
Ici, c’est la FNTR. Une grande Fédération présente sur l’ensemble du territoire et à Bruxelles. Une organisation représentative, active, et dynamique.
Partout où les intérêts des entreprises de transport sont en jeu, nous sommes là.
C’est avec fierté et humilité que j’en prends la Présidence accompagnée de toute l’équipe du Conseil de Direction, tous les élus régionaux et départementaux, toutes les commissions transversales et spécialisées, tous les professionnels qui travaillent et s’impliquent.
Je tiens ici à les remercier et à leur dire combien la Fédération leur doit et compte sur eux dans l’intérêt de tous les adhérents et de la Profession.
C’est avec cette fierté que nous vous accueillons Monsieur le Ministre pour entendre vos messages et poursuivre un dialogue certes exigeant mais toujours constructif.
Je vous remercie