Droit de réserve

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Droit de réserve

Il existe au sein de la FNTR un réseau dans le réseau. Peu connu mais redoutablement efficace, il s’agit du réseau des juristes. Composé des juristes spécialisés en droit des contrats, de la paye ou en droit social transport, travaillant dans les syndicats territoriaux et en liaison avec le Siège, il organise plusieurs fois par an des réunions pour faire le point sur les contrôles en cours, les interprétations de textes ou les difficultés soulevées par de nouvelles mesures législatives ou réglementaires.

Il y a là un très haut niveau d’expertise dont les travaux sont bien précieux dans un dédale de réglementations, de codes, de circulaires et d’usages qui font (malheureusement) le quotidien des entreprises de transport.

Si tout ce qui touche au juridique fait généralement un peu peur à qui n’a jamais fait d’études de droit, si on peut croire qu’une rigueur austère les caractérise, il faut bien se détromper. Ils ont aussi leurs facéties. La preuve, cette fois-ci, ils n’ont rien trouvé de mieux que de se réunir la veille de la Toussaint alors que presque tout le monde faisait le pont. Au menu, versement mobilité, déduction forfaitaire spécifique, redressements URSSAF et on en passe.

Ce qui ramène à la mémoire des jurisprudences insolites de tribunaux ou même de cour de cassation ou encore des anecdotes des « bêtisiers » des palais de justice.
Et ce, tous secteurs confondus.

Ainsi, un préteur avait assigné un emprunteur peu scrupuleux qui lui avait signé une reconnaissance de dettes stipulant qu’il rembourserait l’argent à la « Saint Glinglin ». Le juge (rusé) avait considéré que la « Toussaint » étant la fête de tous les saints, on devait en déduire par incidente que le remboursement devait intervenir au plus tard… le 31 octobre. Imparable.

La lecture de certains arrêts ou jugements laisse parfois songeur sur les circonstances d’un contentieux : « le fait d’enfermer volontairement un apprenti dans le réfrigérateur, même dégivré, et pour un bref laps de temps, constitue une voie de fait rendant la rupture du contrat d’apprentissage imputable à l’employeur » (tu m’étonnes…)

Ou encore « Un employeur ne peut s’opposer au paiement d’un rappel de salaires à une salariée de moins de 16 ans sous le prétexte qu’aucun salaire minimum n’est fixé pour les jeunes de moins de 16 ans puisque ceux-ci ne sont pas autorisés à être salariés »

Mieux : « Commet un grave abus d’autorité le directeur d’un établissement qui donne l’ordre à l’un de ses subordonnés d’aller crever un pneu de la voiture d’un fonctionnaire en inspection dans l’entreprise ».

Etonnez-vous qu’on ait besoin d’expertise pour décrypter « l’attendu » d’un autre arrêt qui énonce : « La préparation du règne de Dieu sur Terre ne constitue pas, du fait de sa finalité spirituelle, une activité relevant du Code du travail » !

Quoiqu’on en dise, les experts ont encore de beaux jours devant eux. Même si parfois une partie du litige se joue non pas sur le droit mais sur l’audace de l’avocat. Et on peut qu’y être sensible dans une Fédération car l’essentiel de l’activité est de « plaider » pour le secteur.

Le plus bel exemple est cette histoire déjà un peu ancienne mais tout à fait d’actualité. Après une après-midi chargée, où les affaires et les plaidoiries se succédaient en rafale, le juge s’adresse au dernier avocat à prendre la parole en lui disant « Maître, faites vite ». Et l’avocat de répondre en désignant son adversaire : « Moi, raison. Lui, tort. Toi, bon juge ».

Finalement, il faut toujours faire simple...

Florence Berthelot

 

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