Du gaz dans l’eau

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Du gaz dans l’eau

Lors de son déplacement en Europe, ces jours derniers, le Président américain a annoncé « mettre à disposition » (vendre ?) de l’Europe 15 milliards de m3 supplémentaires pour l’aider à réduire sa dépendance au gaz russe.

Le chiffre est spectaculaire mais il est à mettre en rapport avec la consommation européenne de gaz naturel qui est de… 400 milliards de m3 en 2021.

Le chemin sera donc long et d’ailleurs les experts européens estiment qu’il faudra atteindre 2030 pour se passer du gaz russe. Sans doute pour dépendre d’autres pays car l’Europe ne produit que 10% du gaz dont elle a besoin. D’une dépendance à l’autre…

Derrière cette annonce, on ne peut manquer quand même de relever que le gaz américain est avant tout du gaz de schiste, fort polluant en termes de production et ensuite de transport. Les navires méthaniers qui le transportent fonctionnent au fioul lourd…

Alors que les instances européennes s’attellent à marche forcée à mettre en place le Green Deal (Pacte vert), et que les discussions font rage sur le « Fit for 55 » (réduction des émissions de CO2 de 55% à horizon 2030) qui seront lourdes de conséquences pour de nombreux secteurs économiques, on ne peut quand même pas s’empêcher de s’étonner de voir qu’on va allègrement importer un peu plus une énergie dont le mode d’extraction est assez peu vertueux au regard des enjeux climatiques.

Sans doute une façon d’externaliser nos émissions de GES. Du moment que ce n’est pas produit chez nous, ça n’a pas l’air trop grave. Sauf que jusqu’à nouvel ordre, la planète est une et indivisible et que les dommages commis ailleurs concerneront l’humanité toute entière.

On peut remarquer aussi qu’on ne pense pas réellement à miser plus sur une production locale à base de méthanisation des déchets agricoles et organiques où chacun aurait tout à gagner.

Le sujet est d’une insondable complexité. Il pose surtout la problématique de voir les pays les plus énergivores en incapacité de produire eux-mêmes ce dont ils ont besoin. Il pose également la difficile question de savoir ce qu’est réellement une énergie propre à produire et à consommer, en cycle complet d’utilisation.

Ce qui est valable pour l’énergie l’est, hélas, pour bien d’autres choses.

L’histoire nous apprend que malgré les chocs pétroliers des années 70 (quand on n’avait pas de pétrole mais des idées), le pétrole reste encore aujourd’hui la première source d’énergie (30%) et le gaz naturel la troisième (23%). Quant au charbon, il est en deuxième position !

Soyons clairs : il ne suffira pas de mettre un pull, de baisser le chauffage d’un ou deux degrés, ou de rouler moins vite. Il faudra sans doute faire beaucoup, beaucoup plus.

La crise internationale va probablement accélérer ce bouleversement, changer les modèles.

Mais quand on lit, ici ou là, que les Français, du fait de l’atténuation de la crise sanitaire, sont très enclins cette année à passer leurs vacances dans des destinations lointaines, on ne peut manquer de se dire qu’en réalité, peu sont prêts pour ce changement d’époque.

On appelle cela : danser sur un volcan.

Un de ces jours, on parlera aussi du gazole.

Florence Berthelot

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