Face à la mer
-Face à la mer
Le début de l’année ressemble à cette plage, inaccessible l’été (tant chacun s’y précipite) mais désertée en hiver. Dans tous les cas, éblouissante et pleine de promesses. On y croise quelques promeneurs. On se salue, on se souhaite le meilleur. Face à la mer, devant, c’est l’inconnu. Pour l’instant, tout est calme. Pas de vague ou de tempête. Mais cela peut changer si vite.
L’horizon appelle à tous les voyages, à l’aventure. Certes, on a sa feuille de route. On sait les étapes, on a tracé le chemin. Mais les courants peuvent être capricieux, la météo changeante et les vents contraires.
À chacun d’être son propre capitaine pour atteindre d’autres rivages, toujours plus loin. Il va falloir parfois ramer, manquer de chavirer, se redresser, et tenir bon.
Moment tranquille. Eloigné des fêtes obligées, où l’on embrasse de parfaits inconnus auxquels on souhaite le meilleur et la santé avant tout car « c’est important ». Non, on s’est couché tôt. On a embrassé ceux qu’on aime en se disant (d’une certaine façon) : « l’an prochain, à Jérusalem ».
Moment de grâce où l’on en viendrait presque à espérer que cette année-ci sera différente, meilleure, bonne, si bonne qu’enfin on a atteint le bon port.
Ou alors, on va tout changer. On va tout casser. La vie est trop courte ! On arrête de freiner, de se réfréner, on avance. On rebondit. On ose enfin ce qui n’a jamais été tenté jusque-là. Après tout, que risque-t-on vraiment ?
On le sait depuis toujours : on ne risque rien du tout. Mais on fera semblant d’avoir peur, histoire de se donner une contenance. C’est pour de rire. Les parfaits inconnus sont rentrés chez eux. Les proches dorment paisiblement. Il n’y a que la mer et soi. Il n’y a que la mer en fait.
Aucun vœu ne sera formulé. La vie fera comme d’habitude. Ce qu’elle voudra. Elle donnera, elle prendra, elle nous mènera vers, non ce que nous voulons, mais vers ce dont nous avons besoin (nuance).
Et puisqu’il faut rester, dans toutes les situations, et quelles que soient les circonstances, indéfectiblement « professionnel(le)s », nous ne pourrons que dire les mots convenus « bonne année à tous ».
Et pour ceux qui savent lire entre les lignes, et pour les anars de notre famille d’âmes, et pour ceux qui ont gardé une certaine folie dans une époque si conventionnelle (qu’avons-nous fait ? Qu’avons-nous laissé faire ?), nous ne resterons pas indéfiniment sur la plage abandonnée en pleurant sur le passé et le présent.
Bien au contraire. On ne se refait pas.
Nous y croyons encore. Plus que jamais même.
Il est temps de passer à l’abordage.
Florence Berthelot