Jubilation et Félicité
3min -Le débat sur la réforme des retraites fait rage. Rage est bien le mot quand on voit les déclarations enflammées qui ont embrasé l’Assemblée nationale. On y a tout dit et aussi n’importe quoi, sans aucune nuance.
De la mise en avant du « droit à la paresse » (?), au « travail qui tue », du « je n’ai pas de comptes à rendre… » (ah bon ?) au cafouillis général sur le nombre de trimestres requis pour les carrières longues, personne ne s’y retrouve. Un élu a même lancé que le « travail c’est la liberté », formule plus que malheureuse, rappelant de sinistres souvenirs.
On a eu aussi droit à : « Ailleurs en Europe, c’est pas pareil ».
Faisons un pas de côté justement. Il est toujours très intéressant d’examiner le vocabulaire des langues étrangères. Car ces mots révèlent l’approche culturelle et sociétale des différentes nations. Ainsi la retraite en allemand se dit « ruhestand » (être au calme). En Italie, on parlera de « pensione » (sans savoir si elle est complète). Au Portugal, on sera « reformado » (comme à l’armée… ?). Mais franchement le plus joli mot pour désigner la retraite en Europe, c’est en Espagne qu’on le trouvera puisqu’il s’agit de la « jubilacion »
La jubilation, dont le Larousse, nous définit qu’il s’agit « d’une joie vive et intense » Ceci explique peut-être pourquoi tant de retraités vont passer de beaux jours outre-Pyrénées ?
Il semble que la discussion soit en réalité impossible. Chacun a un avis en fonction de sa propre situation. Certains ont hâte d’arrêter de travailler notamment parce que le métier réunit plusieurs facteurs de pénibilité. Certains n’ont pas du tout l’intention de se retirer de la vie active. Et puis souvent, ce n’est pas tout ou rien. On connait tous des retraités hyperactifs qui se sont investis dans d’autres activités, avec énergie et passion.
Plusieurs générations ont commencé leur carrière avec la perspective d’une retraite légale à 60 ans. Puis, cet âge est passé en 2010 à 62 ans. A moins que notre mémoire soit défaillante, il ne semble pas qu’alors, il y eu autant d’agitations.
Maintenant on évoque 64 ans. La retraite, c’est manifestement comme l’horizon. Ça recule au fur et à mesure qu’on avance.
Dans le secteur du transport routier de marchandises, toute réforme de cette nature impacte un dispositif qui s’appelle le congé de fin d’activité et qui permet aux conducteurs ayant au moins vingt-six ans de conduite de cesser leur activité de manière anticipée. Bouger le critère d’âge impacte autant ceux qui sont déjà partis que ceux qui devaient y rentrer bientôt. Les discussions s’engageront le moment venu entre tous ceux qui financent ce dispositif : représentants des employeurs, représentants des salariés et l’Etat pour apporter des solutions concrètes.
Le parcours de la réforme est loin d’être fini. Une grande journée de grève est prévue le 7 mars. C’est le jour de la Sainte Félicité. Le dictionnaire nous définit la félicité comme un « bonheur calme et durable ». Assez ironique n’est pas ?
Car entre la jubilation et la félicité, que choisir ?
PS. A ceux qui ceux demandent pourquoi autant de référence aux saints du calendrier ces derniers temps, il existe une explication simple : pour une fois, j’étais chez moi quand le facteur est passé pour les étrennes…
Florence Berthelot