A l’autre bout du monde

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A l’autre bout du monde

Alors que tous les opérateurs économiques français déplorent un total manque de visibilité sur l’avenir, certains avancent plusieurs indicateurs qui tendraient à vouloir prouver que « cela ne va pas si mal que ça ». Il n’y a pas tant de faillites que ça, pas tant de chômage que ça, ça va repartir... Comme pour les vœux qu’on se présente en début d’année, il est de bon ton d’afficher de l’optimisme envers et contre tout. Et quoi qu’il en coûte.

Cependant la crise dure et perdure. Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, pour ne pas dire dans un autre monde, et plus précisément en Chine, le redémarrage en trombe d’une économie brièvement arrêtée début 2020 fait sérieusement réfléchir. Déjà, rien que sur cette année, que nous nous accordons à qualifier de « particulière », l’économie asiatique dans son ensemble représente la moitié de l’économie mondiale. La Chine a affiché une croissance de 2,3%, certes très loin de ses performances habituelles, mais en total décalage avec le bloc occidental qui, lui, est en récession. A ce rythme, l’Empire du Milieu dépassera l’économie américaine dans moins de 5 ans, et s’affichera comme la première puissance mondiale. Le projet OBOR « One belt, One road » visant à ouvrir de nouvelles voies maritimes et terrestres transcontinentales vers l’Europe se poursuit activement. Les usines tournent, la logistique est en plein essor. Le PIB par habitant ne cesse d’augmenter.

Mais, diront certains, en quoi cela nous concerne ? En tout, en fait. Cela remettra en mémoire que ceux qui veulent relocaliser activités et industries vont se heurter à une réalité terrible. Cela pèsera lorsqu’on voudra envisager des politiques publiques sans en avoir réellement les moyens tant on est endetté, alors que par ailleurs un pays en croissance constante peut mobiliser les énergies à la hauteur de ses ambitions, y compris en matière de développement durable, de numérisation ou d’agriculture par exemple ?  Cela signifie que des emplois vont être encore perdus sous nos latitudes tandis qu’ils seront créés ailleurs. Et pour être un peu abrupte, que cela ne sert pas à grand-chose de fanfaronner sur une hypothétique reprise à moyen terme alors que nous sommes en voie d’être totalement distancés.

Donc on peut fermer les yeux. Mais on peut également aussi en prendre conscience et adapter les orientations nationales et européennes en conséquence, en misant tout sur une véritable et indispensable croissance.  Trouver de l’argent magique pour éviter l’effondrement est un pas nécessaire. Mais il est tout aussi urgent de trouver rapidement les leviers d’une reprise dynamique et d’un plan de relance très ambitieux à court terme. La crise sanitaire ne doit servir ni de paravent, ni de prétexte pour des demi-mesures. C’est bien de Chine qu’est partie la maladie, et au final c’est la Chine qui tirera de cette situation le plus d’avantages. Rien que ce constat devrait un peu secouer tout le monde.

Florence Berthelot

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