L’huile de serpent

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L’huile de serpent

Au XIXème siècle, quand les produits dits pharmaceutiques ne faisaient l’objet d’aucune réglementation ou régulation, il était fréquent que les camelots vendent toutes sortes de potions, lotions et produits miracles. Parmi ceux-ci figurait l’huile de serpent.

Croyez-le ou non, cela existe encore. Un tour sur internet et vous verrez qu’apparemment l’huile de serpent est excellente pour favoriser la pousse des cheveux. On a plus ou moins envie d’essayer. En fait, plutôt pas.

C’est à cela que l’on aurait pu penser quand le Directeur Général du groupe Avril évoque « l’effet cobra ». Ce concept, qui veut que la solution qu’on apporte aggrave en réalité le problème, tire son nom d’une campagne que les Anglais avaient mené en Inde pour se débarrasser de ces reptiles. Une récompense était offerte pour tout cobra rapporté. Sauf que des petits malins soucieux de se faire de l’argent n’avaient rien imaginé de mieux que d’élever encore plus de cobras, pour ensuite les tuer et obtenir la récompense.

Le directeur général du Groupe Avril s’alarme des possibilités de fraudes sur l’utilisation des huiles usagées comme carburant. Bien connu des professionnels ce carburant qu’on appelle HVO fait partie des carburants liquides bas carbone car non issu d’énergies fossiles.

Le problème c’est que, là aussi, des petits malins pourraient avoir l’idée d’importer de l’huile de palme (déjà très controversée car à l’origine de la déforestation) et de la faire passer pour de l’huile usagée. Ces pratiques existeraient notamment en Asie et il est demandé à la Commission européenne d’organiser les contrôles sur l’origine des produits et les certificats associés.

D’une logique bas carbone, on se retrouverait dans l’exact effet contraire. Ce qui est dommage car en termes d’économie circulaire, ces biodiesels ont beaucoup de vertus. Nul besoin d’acheter des camions avec d’autres motorisations, plus chers et supposant des stations d’avitaillement ou de recharge différentes.

La question en suspens est : y en aura-t-il assez ? Là, les avis divergent. Certains disent oui et d’autres non. Pas facile de s’y retrouver.

Au niveau européen, difficile de faire avancer la question tant une confusion a été créée entre la notion d’abandon des moteurs thermiques avec celle d’abandon des énergies fossiles. Ce sont ces dernières qu’il faut quitter.

En revanche, le moteur thermique n’est pas forcément en cause. La preuve, c’est qu’il y a de plus en plus de voix qui se font entendre pour évoquer des moteurs thermiques… à hydrogène.

Gardons-nous donc de toute précipitation pour savoir ce que l’on fera en 2035 ou en 2040. La technologie avance et il serait absurde de s’enfermer dans une seule solution. Ici, on pense très clairement à l’électrique à batterie performant sur la courte distance et moins sur la longue.

Préférons des objectifs réalistes que l’on pourra dépasser à des ambitions impossibles qui laisseront un goût de déception.

La transition énergétique reste un long chemin, semé d’embûches ou d’éventuelles solutions qui pourraient aggraver les problèmes.  Les fameux cobras.  On se demande « qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? ». Le tout, c’est d’éviter d’avaler des couleuvres.

Florence Berthelot

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