La vache !

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La vache !

Les titres de presse sont faits pour interpeller l’attention. La publication d’un rapport de la Cour des comptes le 22 mai 2023 en a été une belle illustration : « La Cour des comptes appelle la France à réduire son cheptel bovin ».

Il faut toujours aller plus loin que ce qu’on nous présente. A lire les journaux, cette étrange remarque de la Cour des comptes aurait des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique : l’élevage des vaches représenterait 11,8% des émissions de gaz à effet de serre du pays (soit beaucoup plus que les camions au passage…) du fait de …on ne vous fait pas de dessin. Paradoxalement, la production en lait serait excédentaire, et pas celle de viande. Mais ce n’est pas grave parce que si tout le monde mangeait moins de viande (pas plus de 500 grammes par semaine), on ne perdrait pas notre souveraineté alimentaire.

Évidemment, on ne peut lire cela qu’avec une grande perplexité (pour ne pas dire carrément qu’on est chez les fous). Mais cette institution n’ayant pas réellement vocation à évoquer les problèmes climatiques, il convient d’aller regarder un tout petit plus loin de quoi il s’agit.

En fait, et là on comprend mieux, la Cour s’est attachée à examiner l’efficacité des soutiens publics aux éleveurs de bovins. Orientations des aides de la PAC (politique agricole commune), montant des aides publiques fiscales et sociales, investissements. L’approche est d’abord financière. Ensuite, comme c’est son rôle, la Cour évoque des pistes s’inscrivant dans une politique globale qui doit être cohérente avec les autres actions de l’État en prenant en considérations les aspects écologiques et socio-économiques.

Nul ne sait si d’autres rapports suivront concernant les éleveurs de chèvres ou de poulets, ou les producteurs de blé et de maïs. Mais il est certain que dans notre pays, dès qu’on touche au monde agricole, on fait vibrer une corde sensible.

Par un hasard du calendrier, le même jour était publié le rapport de Jean Pisani-Ferry avec l’appui de France Stratégie sur « Les incidences économiques de l’action pour le climat ». Il est difficile de le résumer en quelques mots car il a le mérite d’aborder de manière complète l’ensemble des aspects de financement de la transition et ses conséquences. On ne peut que recommander au lecteur de le lire.

Nécessité d’accroître l’endettement, taxation des ménages les plus aisés, mais aussi ralentissement de la croissance, conséquences sociales inégalitaires et indispensable « sobriété ». Ça décape.

Le même jour encore, la Première ministre a esquissé les grandes lignes de la planification écologique visant à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans la logique du « Fit for 55 européen ». Plus de détails seront connus sous un mois.

Le temps sans doute que tous les secteurs aient remis leurs feuilles de route décarbonation dont celui des « véhicules lourds » remis aux ministres concernés le 24 mai.

Que retenir de l’avalanche de constats ? Qu’il y aura du sang et des larmes. Que cela va coûter extrêmement cher et qu’on ne sait pas comment financer tout cela alors que l’endettement de l’État atteint des sommets historiques, que les impôts et taxes sont déjà à des montants très élevés dans notre pays.

On devine aussi qu’il faut chasser les « dépenses brunes » (quel horrible mot mais si porteur en termes de marketing) comme la ristourne de TICPE sur le gazole professionnel. Même si ça ne suffira jamais à financer la coûteuse transition énergétique et même si cela réduira les capacités d’investissement des entreprises de transport pour acquérir de nouveaux véhicules à motorisation alternative. Sans compter que le prix des énergies sera également beaucoup plus élevé.

Si les prix de transport suivent, à la limite pourquoi pas ? Mais on a comme un doute là-dessus.

Apparemment pour la bonne cause, il faut réduire le nombre de bovins, et augmenter le nombre de vaches à lait.

On n’a pas fini de beugler.

 

Florence Berthelot

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