Les jours heureux ?
2min -Dans un tweet du 2 juin, le Président de la République s’exprime : « La réouverture des cafés, hôtels et restaurants signe le retour des jours heureux ! Nul doute que les Français seront là pour retrouver cette part de l’esprit français, de notre culture et de notre art de vivre. En ces temps difficiles, l'État continuera à soutenir ce secteur ». Cette communication vient en écho d’une allocution du 13 avril où il était dit « nous retrouverons les jours heureux ». Voilà. L’ouverture des bars et cafés, c’est aujourd’hui la définition du bonheur. En fait, l’écho est bien plus lointain que cela : l’allusion est clairement faite au programme du Conseil national de la Résistance en date du 15 mars 1944 qui établit l’action de la Résistance pour les derniers mois de guerre et les grandes lignes politiques, économiques et sociales qui gouverneront la Libération. Le texte fait une dizaine de pages mais les ambitions sont fortes : rétablissement de la démocratie, création de la Sécurité sociale, économie souveraine et planifiée, paritarisme, liberté de la presse… Aujourd’hui encore, bien des principes affirmés s’appliquent encore (pas tous cependant…). A force d’avoir comparé l’épidémie à la guerre, les soignants aux soldats, les autres aux combattants de la 2ème ligne (dont les transporteurs), il ne manquait plus que l’allusion à la Résistance.
Mais comparaison n’est pas raison et nous avons bien changé d’époque. On cherchera un projet global et refondateur dans ses dimensions politique, sociale, et économique. On a certes toujours un peu d’écologie avec le vélo et la « décarbonation » des transports. Mais à ce jour, pas grand-chose d’autre. Sinon que, parce que les cafés rouvrent, les jours heureux sont revenus. Ne parlons surtout pas des lendemains qui risquent de déchanter avec des reculs de croissance, des déficits abyssaux, des faillites et le chômage qui explosent… Non, « nous allons bien, tout va bien ». Le mardi 2 juin au soir, les terrasses du quartier de la Porte de Clichy affichent du monde mais pas forcément autant qu’on pouvait s’y attendre, distanciation sociale oblige. Et elles ont fermé à 19h du fait de la présence de 20 000 manifestants devant le Palais de Justice et des nombreux débordements qui ont suivi. Le lendemain, le changement de météo et les orages ont douché les espoirs de prendre l’apéro entre amis sur les trottoirs parisiens. La pluie et la fraicheur sont prévues pour au moins une semaine. Probablement les vrais jours heureux seront plus lointains : quand on aura trouvé un traitement et/ou un vaccin, quand les gens n’auront pas peur de perdre leur boulot, quand les entreprises gagneront de l’argent, quand les déficits publics et commerciaux auront disparu, quand on aura relocalisé les industries, quand… Quelle est la définition de l’horizon déjà ?
Florence Berthelot