Les moyens de ses ambitions
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Alors que le débat fait rage à Bruxelles sur le pourcentage de camions dits « 0 émissions », l’objectif de 90% à horizon 2040 paraissant trop frileux pour certains, d’autres pointent les difficultés en présence.
Et ces « autres » ne sont ni plus ni moins que les membres de la Cour des comptes européenne. Dans un rapport du 19 juin, dont on notera qu’il n’a pas fait l’objet d’une large publicité, cette institution alerte : « L’Europe pourrait perdre la course aux batteries ».
Nous avions dans ces lignes évoqué l’inquiétude de spécialistes de l’extraction minière (cf l’édito Aurore et crépuscule) sur la capacité d’extraire assez de minerais pour assurer la transition vers l’électrique. Les chiffres de la Cour des comptes ne font que le confirmer. L’Europe ne possède que 7% de la capacité de production mondiale de batteries. La Chine c’est ….76%.
Et elle sera rapidement confrontée à une pénurie mondiale de matières premières.
Ces matières premières sont le cobalt, le nickel, le lithium, le manganèse et le graphite naturel. Or, l’Union européenne dépend à 78% de l’importation, et d’un nombre restreint de pays : Australie, République du Congo et …Chine. Et bien qu’on ait trouvé du lithium notamment en France, il faudra des années avant une mise en exploitation minière.
Et évidemment, le monde entier lorgnant sur ces matières premières et la demande croissant, leur prix vont considérablement monter.
Or, le prix des batteries représente 40% du prix d’un véhicule électrique. Ce qui laisse à penser que ceux-ci ne vont pas être moins chers, comme on nous l’annonce partout, mais bien au contraire, plus chers encore.
Comme si cela ne suffisait pas dans le tableau, la concurrence est rude notamment avec la Chine et les États-Unis. La loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA) vise clairement à inciter les entreprises européennes à établir leurs sites de production sur le sol américain.
L’Europe tente de réagir par l’attribution de subventions équivalentes aux subventions américaines afin d’éviter les délocalisations.
Mais une fois de plus, tout cela coûte extrêmement cher, pour un résultat non garanti.
Voilà, voilà….
Le drame c’est que, semble-t-il, les décideurs européens sont parfaitement conscients du problème. Le Parlement européen vient d’adopter la modification de la directive sur le recyclage des batteries. Ce texte doit encore être adopté par le Conseil et n’entrera en vigueur que 3 ans après sa publication.
Or, quand les objectifs sont aussi raccourcis dans le temps, chaque année compte.
Au vu de tout cela, la Cour des comptes s’interroge publiquement sur ces objectifs et le fait que les véhicules électriques, de par leur prix, pourraient devenir tout bonnement inaccessibles à une grosse partie de la population.
Et nous n’avons pas encore abordé les douloureuses questions liées à la disponibilité de l’énergie électrique, son prix et le fait qu’elle soit propre.
C’est toujours la même histoire : quand on a de l’ambition, il faut s’en donner les moyens. En l’occurrence, aujourd’hui, il y a de la bonne volonté mais y a-t-il vraiment autre chose que des intentions ?
Florence Berthelot