Lignes de faille
3min -La « grande démission » dans le milieu du travail fait décidemment l’actualité. Lors du salon « Impact PME » organisé par la CPME et BFM Business plusieurs conférences ont tenté d’aborder le phénomène.
Chacun cherche des solutions : de la question des rémunérations à la qualité de vie au travail, de l’écoute indispensable attendue des managers sans tomber dans l’intrusion de la vie privée, jusqu’à la suppression de la période d’essai à la semaine de 4 jours, les directions et services RH multiplient les initiatives.
Inévitablement la question du télétravail est revenue sur le tapis. Obligatoire durant les confinements successifs de 2020 et 2021, il semble évident pour tout le monde qu’il est entré dans les mœurs. Beaucoup y trouvent avantage : moins de transport, plus de facilité d’organisation entre vie professionnelle et personnelle. Les inconvénients existent aussi : risque d’isolement des salariés, moins de cohésion d’entreprise.
Il y a aussi des exemples extrêmes et la jurisprudence des tribunaux commence à aborder le sujet : justification d’un licenciement d’un salarié ayant déménagé à 450 km du siège de l’entreprise sans prévenir, possibilité pour l’entreprise d’instaurer des systèmes de surveillance, etc. Les juges et les avocats ont du pain sur la planche pour les années à venir.
Cependant, quand on est dans le transport routier, ces débats sont très intéressants mais ils apparaissent quand même comme un peu intellectuels. Et quand on a tendance à « mettre les pieds dans le plat », on relève des évidences qui ont manifestement échappé à quelques sociologues du travail.
Déjà, si on considère les « professions et catégories socioprofessionnelles » (PCS) qui sont normées par l’INSEE depuis 2003. Il y en a 8 et parmi celles-ci, on retrouve les classiques « ouvriers » et « ETAM » (employés, techniciens, agents de maîtrise).
Les conducteurs routiers sont dans la catégorie « ouvriers », c’est un fait. Et pendant les confinements, à l’instar d’autres professions qui ne sont ni cadres, ni agents de maîtrise, telles que les personnels des entrepôts logistiques, la distribution alimentaire, de la propreté, ou le personnel infirmier, ils ne se sont pas arrêtés de travailler. Et heureusement, sinon le pays s’arrêtait complètement. Pourtant, qui leur a manifesté la moindre reconnaissance ? Les conditions d’accueil étaient scandaleuses au point que ces conducteurs n'avaient même pas droit à accéder aux sanitaires et à la machine à café dans les entreprises livrées.
Il faut absolument rappeler que ce sont notamment grâce à ces salariés que les autres ont pu télétravailler. Et cela n’a pas changé aujourd’hui. Les chefs d’entreprise de transport et leurs équipes ont d’ailleurs eu tellement conscience de ce fait que fort peu sont restés chez eux pour travailler à distance.
Les débats actuels sont de nature à relever, voire accentuer des fractures entre ceux dont l’activité peut se faire un peu partout devant un ordinateur, et ceux qui font le job de terrain sans lequel les premiers ne pourraient pas exercer de la même façon.
Il serait dommageable de rappeler ce qui est purement un fait. Pas très politiquement correct mais bien réel. Aux yeux d’une partie des salariés, la question du télétravail est considérée comme un luxe qui ne saurait jamais les concerner.
Face à ce constat, la journaliste qui anime le débat lance quasiment un cri du cœur : « On ne va tout de même pas renoncer au télétravail parce que certains n’y ont pas accès !».
Intéressante question.
Ce n’est pas ce que l’on dit. Ce qu’on l’on veut exprimer c’est qu’il ne faut pas oublier, dans les grandes discussions, que dans le milieu du travail, comme dans tous les autres domaines, nous dépendons tous les uns des autres.
Florence Berthelot