Méconnaissance, mes connaissances
3min -Le grand public le sait peu mais le Sénat est un lieu non seulement de votes des lois mais aussi d’études et de missions d’information. C’est aussi le cas pour l’Assemblée Nationale mais d’expérience, les rapports issus de la « chambre haute » sont souvent de très grande qualité. Il est dommage que nombre de ces rapports restent souvent sans suite ou à caler des armoires.
Actuellement, une mission d’information est en cours sur les « négociations salariales ». Le but est d’auditionner un grand nombre d’acteurs, de branches, d’organisations, pour réfléchir aux négociations sur les salaires, les classifications et les leviers pour améliorer le pouvoir d’achat.
Cette mission s’inscrit dans la suite du constat qu’en deux ans, entre 2021 et 2023, le nombre de personnes rémunérées au SMIC a augmenté de 50% et que dans son discours de politique générale, le Premier ministre a souhaité « désmicardiser » les rémunérations.
C’est dans ce contexte que la FNTR a été auditionnée conjointement avec l’UIMM et l’Association française des banques sur les politiques de branches en matière de salaires et de classifications.
Dans ce genre d’exercice, il est d’usage que l’on vous envoie un questionnaire qui sera la trame de l’audition, et que l’on peut renvoyer, complété quelques jours plus tard.
Or, déjà à la lecture de la question 1, vous tombez dans un abîme de perplexité : « Présentez la branche que vous représentez en précisant le nombre de salariés, le nombre d’entreprises et la distribution de salaires. Communiquez les grilles salariales et de classification de votre branche, la convention collective ainsi que les accords salariaux conclus depuis le 1er janvier 2021 ».
Le doute vous prend et vous envoyez un message aux administrateurs pour leur expliquer que la Convention collective des transports routiers et activités auxiliaires couvre 6 secteurs (marchandises voyageurs, déménagement, logistique, transport de fonds et valeurs, transport sanitaire). Doit-on parler des 6 ou seulement du transport routier de marchandises ?
« De toute la branche », nous est-il répondu. Ah…
Comment dire ? On devine à travers ce genre de réponse que nos interlocuteurs n’ont manifestement aucune idée de ce que nous sommes, de ce que nous faisons et qu’une grande méconnaissance règne.
On vous épargne les heures de travail en interne et avec l’Union des Fédérations de Transport qui tient rigoureusement le détail de la convention, des accords signés, etc.
Le fait est que le jour de l’audition, vous arrivez avec la Convention collective à jour (le fameux classeur CELSE) de 10 centimètres d’épaisseur et probablement d’un poids de deux kilos, le rapport (excellent) de l’OPTL (Observatoire prospectif du transport et de la logistique), le rapport de l’OPNC (Observatoire paritaire de la négociation collective), plus les notes annuelles de l’UFT sur les grilles salariales dans tous les secteurs de la branche, les différences avec le SMIC, et le récapitulatif des accords signés.
Sous l’œil éberlué de tout le monde, vous rappelez que fin 2022, la branche comptait 801 000 salariés (plus de 600 000 personnes en transport routier de marchandises et logistique). Vous faites valoir que depuis 2021 et sans compter 2024, 41 accords ont été signés dans la branche et donc que le dialogue social y est extrêmement dynamique.
Que des NAO ont été signées chaque année dans tous les secteurs et même deux accords en 2022 en TRM. Grille TRM qui est d’ailleurs largement décorrélée du SMIC. Que d’un secteur à l’autre, on n’est pas forcément sur les mêmes schémas de temps de travail, d’équivalences, d’heures supplémentaires.
Mais vous n’avez qu’une heure et deux autres organisations très différentes prennent également la parole. Ce qui est d’ailleurs très intéressant pour confronter les spécificités et contraintes d’autres branches. On apprend beaucoup.
À la fin, imperceptiblement, vous devinez que vos « confrères » des autres fédérations vous regardent autrement. Ou c’est votre imagination.
Quoique… On a apporté de la connaissance là où régnait la méconnaissance.
C’est ça aussi, le rôle d’une Fédération.
Florence Berthelot