Moins quarante

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Un lundi. Très tôt. Une réunion interministérielle a été organisée sur le bilan du plan de sobriété énergétique à la sortie de l’hiver et « la poursuite des travaux ». Pour une fois, les représentants du transport routier de marchandises ont été conviés (merci à notre ministre des Transports, il faut le souligner). On a là tous les modes de transport, toutes les administrations concernées.

Les diaporamas défilent. On s’autocongratule. Cet hiver, nous avons baissé notre consommation électrique de presque 10%. Et ça n’aurait rien à voir avec le ralentissement de la production industrielle (ou la fermeture de nombreux commerces de bouche ou autres en raison de l’explosion des factures pense-t-on tout bas). Sur les carburants, c’est moins bien. Mais on va dans la bonne direction. En 2035, il faudra que la flotte de poids lourds soit composée de 35% de véhicules électriques.

Le but ultime, c’est tout simplement, à horizon 2050, moins 40% de consommation d’énergie. Et là, apparait la notion de « découplage ». Cette notion, cela fait plus de 20 ans que l’on en entend parler dans le transport routier de marchandises, notamment au niveau européen. Déjà, dans le Livre Blanc sur les transports de 2003, était développé ce savant concept : poursuivre la croissance économique, en diminuant l’impact et le volume de la mobilité.

20 ans après, on sait que cela ne fonctionne pas du tout. Mais ce n’est pas grave, on continue.

Dans cette réunion, on a mis en avant les engagements volontaires des entreprises de transport routier de marchandises : le programme EVE, et plus récemment, le programme REMOVE sur le report modal. On a aussi terminé les travaux sur la feuille de route « décarbonation ». Une remise officielle aura lieu bientôt.

Dans les travaux de la feuille de route, les débats ont été parfois âpres sur les orientations technologiques, les disponibilités énergétiques, et les prix. Une certitude, dans le transport routier de fret, le coût de la transition énergétique sera au minimum de 54 milliards d’euros jusqu’en 2040. Et c’est une estimation basse.

Les transporteurs ne pourront pas en assumer seuls la charge. Les Etats ne pourront pas tout financer. Pour preuve, le mardi, l’Etat annonce débloquer une enveloppe de 60 millions d’euros pour décarboner les véhicules lourds, dont 55 millions pour les véhicules de marchandises. On a fait le calcul. Cela aidera à l’acquisition d’environ…. 450 véhicules électriques en TRM. On devrait s’enthousiasmer en se disant que l’Etat fait un geste, que c’est mieux que rien, et arrêter de râler tout le temps.

Sauf, qu’il reste « juste » 600 000 camions (compte propre et compte d’autrui) à décarboner d’ici 17 ans. Est-ce que tout le monde est prêt à assumer l’inflation des coûts que cela suppose ? Les clients du transport sont-ils vraiment prêts à payer plus chers ? Les établissements bancaires sont-ils vraiment prêts à accompagner ces efforts d’investissements ? Ne cherchez pas. Les réponses sont dans les questions.

A la toute fin de cette réunion de début de semaine, les ministères ont résumé la réunion sur la sobriété dans un communiqué de presse, en indiquant que pour le transport routier de marchandises, des « mesures spécifiques » avaient été mises en place : formation à l’éco-conduite, optimisation des livraisons, etc.

A part que ces mesures sont déjà en place dans notre secteur, et que c’est le « etc.. » qui est le plus lourd de conséquences.

Le même communiqué annonce la signature d’une charte avec les acteurs publics et de la publicité pour mieux réguler la publicité lumineuse dans les gares, stations et aéroports. Dès 2024, les panneaux s’éteindront dès que ces endroits seront fermés.

C’est intéressant. Mais l’organisation Greenpeace, elle-même, a qualifié cette mesure de « degré zéro de l’écologie ». Il n’y a donc pas que nous qui râlons.

En faisant un peu d’humour, voire d’ironie (et les lecteurs de ces éditos savent que ce n’est pas le genre de la maison), on pourrait dire que pour lutter contre le réchauffement climatique, le degré 0 c’est déjà bien.

Mais moins quarante, c’est encore mieux.

Florence Berthelot

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