Paiement à l’usage
3min -« Vous êtes bien d’accord que les camions doivent payer pour utiliser les routes parce qu’ils les abîment ? »
Ben non.
Là, en général, votre interlocuteur (député, sénateur, président de région ou qui que ce soit) lève les bras au ciel.
A ce stade, reprenez la discussion par une autre question : « A quoi servent nos impôts ? »
Voyez-vous, nous apprenons tous que nous payons des impôts pour l’administration générale, mais aussi l’école, l’hôpital, l’armée, et les routes.
Le principe constitutionnel est que nous payons tous à hauteur de nos facultés contributives pour tout cela. Plus de 50% des français ne paient pas l’impôt sur le revenu. D’accord.
Votre interlocuteur va alors tenter de vous emmener par un biais sémantique sur une autre piste : « Ce n’est pas un impôt mais une contribution ou une redevance. Vous payez parce que vous utilisez ».
Ah… apparemment il ne s’est pas rendu compte qu’il s’engageait sur la piste noire, verglacée, tout schuss, sans contourner les bosses.
Donc manifestement, on a inventé un nouveau principe fiscal, on paie à l’usage ?
On voudrait bien connaître le génie qui a inventé ça. Reprenons : on paie des impôts qui sont censés contribuer aux services publics. Mais voilà que parce que l’argent n’est pas allé là où il fallait, il faut désormais en plus payer pour utiliser ces services publics.
La route est un service public, nos impôts devraient permettre leur entretien. Ce n’est pas le cas, donc on va nous obliger à payer pour emprunter les routes. Bref, on va payer comme une autoroute, une route normalement payée par nos impôts. CQFD.
Sans aucune garantie en plus que les recettes servent bien à leur objectif affiché (d’ailleurs on n’a pas le droit d’affecter une taxe).
En fait, c’est très dangereux tout ça.
Car si cela se généralise, il faudra que les parents paient des contributions supplémentaires pour que leurs enfants aillent à l’école, les malades pour pouvoir être soignés à l’hôpital public, etc ? (c’est aussi cohérent que de supprimer des lits d’hôpitaux pour ensuite nous confiner chez nous parce qu’en cas d’épidémie, il n’y a plus assez de place…). La réalité c’est que cela ne tient pas debout deux minutes.
C’est facile de faire passer ceux qui refusent ce système comme des mauvais citoyens. Mais c’est le raisonnement de départ qui est complètement biaisé ! Le marketing politique a inversé la logique. Et cette nouvelle logique est totalement tronquée.
Ce ne sont que des alibis pour augmenter la pression fiscale, sans jamais, de l’autre côté, se remettre en question sur ses propres dépenses… ou sa façon de gérer l’argent.
Que l’on ne s’y trompe pas. On pourra mettre un petit coup de peinture verte, pour rendre une nouvelle taxe écolo-compatible, il n’en demeure pas moins que c’est bien un impôt qu’on va payer une deuxième fois, parce que notre premier paiement a disparu on ne sait où.
En tant que citoyens, nous avons des devoirs. Mais nous avons aussi des droits. Et il faudrait peut-être arrêter de nous prendre pour des ignorants.
Florence Berthelot