Potins, on y revient
3min -Après la crise sanitaire, les articles et études sur les nouvelles relations au travail ont fleuri. D’ailleurs, on ne peut plus assister à la moindre réunion professionnelle sur le sujet sans voir les chefs d’entreprise soupirer profondément avec une certaine lassitude sur ces nouveaux rapports au travail qu’ils ne comprennent pas toujours ou qu’ils ne savent pas gérer.
Une étude de l’IFOP du mois de novembre 2023 (1) apporte une nouvelle pièce à l’édifice de tout ce qu’on a entendu depuis trois ans. La première partie de l’enquête évoque les liens d’amitié entre collègues largement plébiscitée par les salariés. Nombreux sont ceux qui disent avoir un (attention au jargon du XXIème siècle) un « work bestie » à savoir tout simplement un (ou une) collègue avec lequel on tiendra des conversations plus personnelles. Ces relations permettent d’oublier la pénibilité du travail « permet de faire entendre ses revendications »
La deuxième partie de l’enquête s’attache plus aux sujets des conversations qui balancent entre tabous et potins. Au premier rang des tabous évidemment l’argent. Mais pas que.
Surtout, et c’est le plus intéressant, confirmation est faite que les conversations entre collègues ont indiscutablement une fonction de « défouloir ». Parmi les sujets de prédilection viennent d’abord les fameux « potins », puis la critique de la politique de l’entreprise, des décisions du manager ou encore des collègues (le comportement des autres salarié(e)s ou leurs compétences).
Avec un peu de recul, c’est finalement très amusant. Car pour le coup, cela n’a rien de nouveau ni de novateur. Cela date d’il y a très longtemps. Un peu comme le fameux « aux ch…ttes l’arbitre » qui est toujours largement clamé dans les stades de foot.
On aurait tort de penser que ce qui fédère une équipe se résumerait à un projet commun, une identité de marque, le sens qu’on donne à son travail. Ça c’est l’idéal, mais ce n’est pas aussi répandu que ça.
Ce qui soude les collègues ou une partie d’entre eux c’est de dire : l’entreprise est nulle, le patron (ou la patronne) est un crétin, et untel fait n’importe quoi (ou rien du tout) et de toutes façons, il est nul aussi.
Pas sûr que tout cela soit fondamentalement pensé à 100% mais ça occupe les conversations.
Ce phénomène n’est pas propre aux entreprises. Essayer de parler politique dans un dîner, et aussitôt les critiques fusent. On peut tenter aussi la météo, mais là aussi, il pleut tout le temps, il fait trop chaud ou il fait trop froid.
Ça ne va jamais.
Les journaux télévisés ou les chaînes d’informations continues l’ont bien compris à toujours aller chercher les pires nouvelles, les faits divers les plus affreux. On en sort totalement plombé. Il parait que les informations positives ne sont pas assez vendeuses.
Quel malheur si tout allait bien ! On n’aurait plus rien à se dire !
En rhabillant les autres pour l’hiver, avec garde-robe complète voire dressing entier, au moins on peut causer. Choisissons bien les tailles néanmoins car certains ont le dos large…
Le plus rassurant, c’est que l’entreprise tourne quand même, voire même bien. Sauf en période de ralentissement économique, comme c’est le cas actuellement, où les entrepreneurs sont à la peine et les clients assez raides.
L’avis des clients est très important. Il est même déterminant. Notamment dans le secteur des services auquel appartient le transport routier de marchandises.
Car si le client dit que l’entreprise est nulle, que le chef d’entreprise est un crétin et que ceux qui travaillent avec lui font n’importe quoi ou rien du tout, c’est la pérennité même de la société qui est en jeu.
Et ça c’est une autre chanson.
P.S En l’écrivant, on s’aperçoit que le titre révèle une génération qui a connu l’enseigne Félix Potin. Soit une chaine d’épiceries qui a définitivement fermé ses portes en 1995.
(1) « Étude Ifop pour Compte Pro réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 31 octobre 2023 auprès d’un échantillon de 948 salarié(e)s, représentatif de la population salariée du public et du privé en France métropolitaine. »
Florence Berthelot