Pour le moment

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Pour le moment

Dans les bêtisiers du Palais où sont consignées toutes les anecdotes amusantes qui se sont produites dans les prétoires (si, si, il y en a !), il y avait cette affaire de reconnaissance de dettes où le débiteur s’était engagé à rembourser son créancier à la Saint-Glinglin. Manifestement, le créancier avait de l’argent mais peu de lettres et ne s’était pas rendu compte « qu’à la Saint-Glinglin » signifiait - dans l’esprit de son contractant retors - « jamais ».  

Mais l’affaire était tombée entre les mains d’un juge malin qui considéra que, puisque la Toussaint était la fête de tous les saints (y compris ceux qui ne figurent pas sur le calendrier de La Poste que me vend mon gentil facteur au moment des étrennes), alors c’était aussi la Saint-Glinglin et le remboursement aurait dû intervenir au plus tard… le 1er novembre.

On utilise moins le terme de Saint-Glinglin. Aujourd’hui, on dirait autre chose. Au hasard et sans aucun mauvais esprit (n’est-ce pas ?), on dirait « pour le moment ». Exemple : le Premier ministre remet sa démission au Président qui la refuse « pour le moment ».

Combien de temps dure un moment ? Ah la la ! Voilà bien une question aussi complexe que l’influence d’une larme de crocodile dans le débit du Nil. Est-ce la même durée qu’un « instant » ? Est-ce que cela se compte en minutes comme « j’en ai pour deux minutes ! » quand je me prépare pour une soirée et qu’on frappe à la porte en maugréant « non mais là ça fait deux heures ! » (franchement c’est d’une mauvaise foi…).

Est-ce que cela veut dire jusqu’à la fin des Jeux Olympiques intégrant également les Jeux Paralympiques ? Ou après ? Ou à l’inverse à la fin de la semaine.

Le suspense est insoutenable. Le motif étant « pour assurer la stabilité du pays », on se dit que dès que le Gouvernement actuel aura fini d’expédier les affaires courantes et que la démission aura été acceptée, alors nous basculerons dans le chaos, voire l’Apocalypse, les grenouilles tomberont du ciel et l’eau se transformera en boue noirâtre.

Admettons, c’est un tantinet exagéré même si, à l’évidence, et faute d’alliances assez baroques, l’absence de majorité à l’Assemblée Nationale ne permettra d’avancer. Au passage, les oreilles des juristes et particulièrement des constitutionnalistes souffrent beaucoup.

Du « si c’est ça, on déposera une motion de censure… » qui n’est pas possible tant qu’un texte n’est pas en cours d’examen, à « sinon on gouvernera par décret » qui n’est envisageable que s’il y a un nouveau Gouvernement, on n’est pas rendu. Il y a des formations accélérées en droit qui se perdent…

Comme dirait les hôteliers, « on n’est pas sorti de l’auberge ». L’air de rien, il y a des arbitrages à faire, des lois de finances à préparer, des Jeux à réussir et « toutes ces sortes de choses ».

Ceux qui s’éclatent sont les journalistes des chaînes d’information en continu et les invités politiques qui parlent dans le poste pour faire du bruit sans pour autant qu’il en sorte quelque chose de vraiment concret.

Donc, on va peut-être les laisser tous entre eux pour tenter de trouver une solution pendant que l’on continue à travailler pour certains ou que l’on va prendre des vacances bien méritées pour les autres. Il faudra bien que chacun prenne ses responsabilités parce que l’on a connu de meilleur spectacle et qu’il y a vaguement un truc qui s’appelle « l’intérêt supérieur de la Nation » ( ou la cohésion nationale) qui devrait être le seul juge de paix.  

Et maintenant. Pas à la Saint Glinglin.

C’est tout… pour le moment.

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