Retour vers le futur
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Retour vers le futur
On apprend que c’est un ancien secrétaire d’État aux Transports qui va présider la Conférence sur le financement des infrastructures. En ce qui nous concerne, nous redoutons que la question de l’écotaxe ou des écotaxes revienne en tête des propositions.
Traîne l’idée tenace que la Profession en général, et la FNTR en particulier, avait, à l’époque de l’écotaxe nationale, accepté le principe moyennant l’obtention du 44 tonnes en poids maximal autorisé au lieu de 40 tonnes, et que tout ce qui a suivi n’était qu’un manquement à une parole donnée.
Or, il suffit de taper sur n’importe quel moteur de recherche « Sarkozy », « FNSEA » et « 44 tonnes » pour se rendre compte que c’est le président de la République en 2010, qui lors d’un Congrès de la grande Fédération agricole, avait accordé le droit d’augmenter le poids des camions pour le seul transport des denrées agroalimentaires.
La Profession du transport routier de marchandises n’avait rien demandé du tout. Elle a été mise devant le fait accompli, ou plutôt le fait du prince. S’en est suivi un feuilleton parfaitement surréaliste : qu’est-ce qu’un produit agroalimentaire, comment faire la distinction entre le transport de sel de table et de gemmes de sel pour le bétail, faut-il se référer à la nomenclature douanière ? Etc...
Ah, et puis pourquoi ne ferait-on pas ces transports à 44 tonnes avec des camions à 6 essieux ? Alors qu’un seul pays, alors encore européen, le Royaume-Uni disposait de ce profil ?
Au bout de plusieurs années d’impasses juridiques, le 44 tonnes devait être généralisé faute de pouvoir le limiter à une seule catégorie de transport. À noter que la plaisanterie dure encore car on ne peut toujours pas passer à 44 tonnes une frontière avec un pays limitrophe où ce poids est aussi la norme….
Donc rien à voir avec l’écotaxe (les agriculteurs étaient d’ailleurs exemptés) d’autant que la norme s’est imposée à peu près au même moment où Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, reportait sine die l’entrée en vigueur de la « taxe nationale poids lourds » (après avoir une première fois considérablement réduit le nombre de routes taxées) du fait du mouvement des bonnets rouges.
Moyennant une diminution de la ristourne gazole dont bénéficient les transporteurs de 4 centimes. 4 centimes d’augmentation de la TICPE, pour solde de tous comptes.
Relisez-bien. Pour solde de tout compte. 4 centimes de TICPE, c’était 500 millions d’euros soit le montant estimé et attendu de la recette de l’écotaxe 2. Auxquels Elisabeth Borne ajouta 2 centimes de plus en 2019, là également pour financer les infrastructures à la suite des Assises de la Mobilité. On a une drôle conception du « solde de tous comptes » au niveau de l’État.
Passons sur le fait qu’il a fallu durant des mois combattre le principe d’une vignette.
La personne qui a mis dans la même phrase « assises » et « mobilité » est quand même un sacré génie ou quelqu’un de très facétieux.
Lesdites assises, où lors de la deuxième réunion de l’atelier « financement », nous eûmes la surprise de découvrir une magnifique présentation ayant pour titre : « Comment taxer les poids lourds ? ».
Il parait qu’après qu’une certaine Déléguée Générale, auteure de ces lignes, ait commencé à prendre la parole, toutes les chaises ont reculé d’un mètre (aux abris !)
Et ce, alors qu’un rapport, curieusement jamais publié (allez savoir pourquoi) démontrait que le TRM couvrait totalement ses externalités toutes routes confondues, même si c’était largement plus sur les autoroutes que sur les routes concédées.
On pourra ressortir la contribution faite à l’époque. Pas un mot ne sera changé.
Alors vous comprendrez aisément qu’une énième conférence sur le financement des infrastructures dont l’issue est déjà connue à savoir on va taxer les vilains camions, on la voit venir gros comme un écocombi.
D’autant que depuis la fameuse loi « climat et résilience » le principe des écotaxes régionales est déjà acté et qu’outre la taxe alsacienne, celle du Grand Est pointe déjà son nez.
A tous les coups, on va nous dire qu’autant d’écotaxes régionales que de régions, c’est un peu crétin et qu’il serait peut-être judicieux de faire une taxe… nationale ?
Avec l’alibi, il faut taxer les étrangers mais pas les français (alors que l’Europe interdit strictement cette discrimination…)
Le vrai problème c’est que l’argent qui devrait financer les infrastructures n’est pas utilisé pour cela. Et la raison en est hyper-simple : 3 300 milliards de dette dont les seuls intérêts atteindront 100 milliards en 2030.
Si aujourd’hui, on s’installait à bord de la DeLorean DMC-12, aux côtés du Doc hirsute et un peu timbré, pour aller 20 ans dans le futur, c’est certain que l’on en sera encore à débattre, dans des conclaves, conférences, comités, assises, états-généraux, de comment financer les infrastructures.
C’est une histoire sans fin.
Florence Berthelot