Scepticismes

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Scepticismes

Dans un article très fouillé intitulé « les discours complotistes à l’assaut de l’opinion », la Fondation Jean Jaurès s’est livrée à un exercice d’analyse des conversations Twitter en 2022 sur le climat.

En reclassant par catégories les utilisateurs, c’est un véritable exercice de sondage d’opinion qui est livré. Si au début, on pourrait être déconcerté par l’affirmation que ce sont les anti-vaccins (covid) qui sont les plus résistants à la notion de réchauffement climatique, la suite de l’article est plus nuancée.

Au point même que le lien entre « complotisme » et « climato scepticisme » n’est plus du tout si évident.
Certains résultats sont assez sidérants.

Huit Français sur dix sont en accord avec l’affirmation selon laquelle « Ce sont les plus pauvres qui payent la crise climatique et énergétique alors que ce sont les plus riches qui en sont responsables ».

68% des Français considèrent que la voiture électrique est « une arnaque ». 70% ne sont pas d’accord avec l’interdiction des voitures diesel en ville.

Et plus troublant encore : 41% des Français considèrent que « La crise climatique est un prétexte utilisé par les gouvernements mondiaux pour limiter les libertés des individus ».

Un œil exercé pourrait détecter quelques biais dans l’approche méthodologique. Parle-t-on vraiment de tous les Français ?

Cependant, qu’on soit individuellement d’accord ou non, c’est un constat.

Et la conclusion est une alerte : l’adhésion aux politiques publiques sur le climat ne va pas du tout de soi.

On le perçoit sur les ZFE (moins axée d’ailleurs sur le climat que sur des considérations de santé publique) dont tout élu sait à quel point le dossier est explosif. 

On le perçoit aussi quand des personnalités publiques sillonnent le monde en jet privé pour alerter sur le réchauffement climatique, y compris pour se rendre aux fameuses COP.

C’est ici qu’il faudrait peut-être quitter la notion de « complotisme » pour celle de « défiance » d’une partie de la population. Peut-être que tout le monde est, en réalité, un peu perdu.

Pour exemple, pendant des années, on clame qu’il faut fermer les centrales nucléaires. Maintenant on dit l’inverse au point de vouloir créer 10 000 emplois par an pour atteindre 100 000 emplois en 2030.

Une commission d’enquête de l’Assemblée nationale « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France » a rendu son rapport la semaine dernière. 88 auditions d’anciens Présidents de la République, ministres, dirigeants de grandes entreprises liées à l’énergie laissent l’impression désagréable que le court-termisme a dominé sur la planification à long terme.

29 propositions sont faites : révision du marché européen de l’électricité, réduction de notre dépendance aux énergies fossiles, relance du nucléaire. Nous aurions cumulé trente années de retard.

Les vérités d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Comment convaincre qu’aujourd’hui encore, on ne se trompe pas ? Qui dit que dans quelques années, on ne se retournera pas sur notre époque en déplorant nos inconséquences ?

En attendant, nous aurons encore de nouvelles lois, encore de nouvelles réglementations, et faute d’adhésion d’une multitude, tout cela sera perçu comme des contraintes encore et encore. Et pire comme des injustices.

Il va falloir d’urgence revoir totalement les arguments pour convaincre. Sinon ça va chauffer.
Dans tous les sens du terme.

Florence Berthelot

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