« Temporairement indisponible »
3min -Au début du mois d’octobre, plusieurs réseaux sociaux et messageries du groupe Facebook sont tombés en panne. L’histoire (réelle ou inventée) veut que même les employés n’arrivaient plus à accéder aux bureaux de la maison mère, leurs badges étant inopérants. C’est là qu’on se dit qu’une bonne vieille clé, c’est quand même assez pratique.
Certes, les commentateurs n’ont pas manqué de souligner que de se passer durant sept heures de partages de vidéos de chatons et de bébés gaffeurs, n’était peut-être pas si grave, et qu’au contraire, il faudrait sans doute réfléchir à réduire l’addiction des utilisateurs à leurs smartphones ou ordinateurs.
C’était oublier un peu vite qu’un nombre conséquent d’entreprises ont basé leur développement sur l’utilisation de ces réseaux et que ceux-ci étaient aussi devenus indispensables à la communication entre particuliers très éloignés les uns des autres.
Cette panne a surtout révélé notre extrême fragilité et notre dépendance à des dispositifs numériques qui ont pris tant de place dans notre quotidien que leur défaut durable pourrait gravement perturber les échanges dématérialisés.
La dématérialisation. Le maître-mot de … tout, en fait. Si on se plait à travailler activement à dématérialiser les procédures, la facturation, les tickets de métro, les documents de transport et même les consultations médicales, toute médaille a son revers.
Primo, la sécurité. Pas une semaine ne se passe sans qu’on découvre que des tonnes de méga octets de données ont été piratées ou revendues sur le « Dark web ». L’affaire du vol des informations de 700 000 personnes testées à l’APHP en 2020 en est une des illustrations
Secundo, l’accessibilité. Il est assez intéressant de voir la Défenseure des droits (on a quand même un peu de mal à l’écrire comme ça) souligner, il y a quelques jours, que ses services sont saisis de milliers de réclamations sur les difficultés rencontrées par les usagers face à la généralisation de la dématérialisation des démarches administratives.
Un rapport sera publié en février, intitulé « Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics » qui mettra en lumière, les difficultés de certains publics face à la dématérialisation des procédures administratives. Un nouveau mot surgi de la « novlangue » évoque « l’illectronisme. ».
Y aurait-il deux mondes en train d’émerger, parallèles et irréconciliables ? Un monde hyperconnecté et évoluant avec facilité dans les eaux numériques, et un autre déconnecté et finalement exclu ?
Pas besoin d’être éloigné des arcanes de la connectivité pour rencontrer des difficultés. Pour exemple, les problématiques rencontrées sur le site de l’ANTS (Agence Nationale des titres sécurisés) par les conducteurs qui souhaitent la délivrance de leur permis de conduire, ou par des entreprises qui veulent immatriculer des véhicules témoignent que la dématérialisation n’est pas une panacée.
Des demandes faites parfois au début de 2021 restent lettre morte sans explication. La plateforme téléphonique se contente de dire que « les dossiers sont en cours » (merci bien…) et aucun interlocuteur n’existe pour tenter de débloquer les dossiers.
Et parfois même un message apparait sur les écrans « ce site est temporairement indisponible ».
On en reviendrait presque à regretter le temps où tout ceci se traitait en Préfecture. C’est dire…
Comme quoi, dans ce domaine, comme dans tous les autres, au-delà de la dématérialisation, rien ne remplace l’humain. A condition qu’il soit disponible, bien sûr.
Florence Berthelot