Un désagréable parfum
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Quoi que laisse entendre le titre, il ne sera pas question de la grève des éboueurs à Paris. N’empêche, au 8ème jour de grèves, on estime à 6 000 tonnes, les déchets non collectés. Un rapide calcul nous amène à considérer que ce sont ainsi au minimum 273 750 tonnes de détritus qui sont produits dans la seule ville de Paris chaque année.
De quoi faire réfléchir quand on nous dit qu’il n’y a pas la ressource pour produire combustibles et carburants issus du recyclage dans une perspective de transition énergétique…
Mais le propos est autre : les mouvements sociaux contestant la réforme des retraites actuellement en discussion au Parlement (enfin en discussion, c’est selon les points de vue…) font apparaître un malaise.
Indiscutablement, les manifestations ont rassemblé des centaines de milliers de personnes, voire deux à trois millions sur l’ensemble du territoire. Les transports sont perturbés. Il y a des coupures d’électricité ici ou là. Les ports sont bloqués, ce qui est un drame pour de nombreuses entreprises de transport routier qui y travaillent. Certes, il n’y a pas eu les phénomènes de blocage reconductibles tant redoutés.
Les sondages révèlent que la réforme ne rencontre pas l’adhésion du plus grand nombre. Les « pro » et les « anti » se déchirent sur les plateaux télé, dans les hémicycles. Les insultes fusent.. Des arguments plus ou moins spécieux ou spéciaux sont avancés. Il faudrait « faire la grève sans bloquer », « il n’y a pas d’autre solution pour sauver notre système de retraites », « et le droit à la paresse ? » (sic). Sans oublier le classique « nous sommes toujours ouverts au dialogue ».
Sauf qu’à la demande des syndicats d’être reçus par le Président de la République, une réponse négative a été opposée. En soi, ce n’est guère étonnant car cela ne relève pas du rôle du Chef de l’État.
Ce qui l’est plus, c’est qu’à tout le moins, il aurait pu être demandée à la Première Ministre ou au Ministre du travail d’organiser cette réunion, même si c’était pour la pure forme puisque le Gouvernement ne veut céder sur rien. Question de symbole. En matière de dialogue social, cela compte.
Dans n’importe quel secteur, en cas de conflit, on imagine mal, par exemple, la partie patronale opposer une fin de non-recevoir à une réunion avec les organisations syndicales de salariés. L’État serait le premier à venir tirer l’oreille des partenaires sociaux pour les convoquer dare-dare à une réunion au ministère concerné. On parle d’expérience…
Comptant sur le fait que le texte sera adopté de toutes façons, certains se disent sans doute qu’une fois « ce mauvais moment » passé, tout rentrera dans l’ordre et … dans le rang.
Peut-être que oui. Ou pas.
Il est à redouter que tout cela laisse des traces. Il se pourrait que cet épisode se traduise ensuite par l’expression plus virulente de mécontentements (généraux ou sectoriels), ou à l’inverse, d’un désintérêt croissant de l’action publique. Ou encore se règle dans les urnes, même à l’occasion d’élections de moindre enjeu national (les élections européennes de 2024).
Pendant ce temps-là, l’inflation ne ralentit pas et des inquiétudes se font jour sur la faillite de banques outre-Atlantique, sur l’augmentation des défaillances d’entreprises, sur la baisse d’activité.
Entre l’expression des colères et le fatalisme, tout cela ne sent pas très bon.
Florence Berthelot