Un grand coup de fret

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Un grand coup de fret

L’affaire est passée un peu sous les radars compte tenu de l’actualité. Pour autant, fin mai, on apprenait que la Commission européenne menaçait Fret SNCF de rembourser plus de 5 milliards d’euros, soit l’équivalent de ce que l’entreprise avait reçu de l’Etat entre 2007 et 2019.

La Commission considère qu’il s’agit de subventions de nature à fausser la concurrence. Evidemment, cela a été « panique à bord ». Le Gouvernement, les syndicats cheminots, les députés et sénateurs ont sonné l’alarme. Le fret ferroviaire français est en danger, de même que la pérennité de l’entreprise et les emplois directs au nombre de près de 5 000.

Le 24 mai, le ministre des Transports, dévoilait le plan pour éviter le pire. Disparition de l’entreprise Fret SNCF mais création d’une nouvelle entité, limitation des licenciements (mais licenciements quand même) et cession de 20% de l’activité à deux concurrents. Dont la Deutsche Bahn qui est aussi, au passage, sous le coup d’une enquête de la Commission européenne.

Le 24 mai, pile le jour où le secteur des transports routiers remettait sa feuille de route de décarbonation au Ministre. Ce qui explique peut-être la remise expresse ce jour-là (voir l’édito : « Vous avez deux minutes »).

Pourtant, les acteurs du transport routier accompagnés des constructeurs de poids lourds, et des énergéticiens, ont unanimement souligné qu’au-delà du verdissement des flottes de camions, un levier puissant de décarbonation était le « verdissement du fret » dont faisait partie intégrante…le report modal (rail ou fleuve).

Rien de surprenant à cela. Il n’y a que ceux qui connaissent mal le transport routier de marchandises ou encore des personnes de très mauvaise foi qui peuvent encore aujourd’hui opposer le rail à la route. Chaque mode a ses spécificités, ses domaines de pertinence, et clairement la logique est celle de la complémentarité.

Il est important de rappeler que dans le ferroviaire et surtout dans le transport combiné, ce sont les transporteurs routiers qui sont les principaux clients ! D’ailleurs de plus en plus de transporteurs routiers transfèrent une partie de leur flux sur le train.

La principale différence réside sans doute que le transport routier de marchandises est composé d’entreprises privées et que le transport ferroviaire a besoin de subventions publiques pour perdurer. Et ce, même si l’Europe ne cesse, là aussi, de pousser à l’ouverture à la concurrence.

Longtemps il a été question de taxer et contraindre la route pour favoriser le développement du fret ferroviaire. L’histoire démontre que cela n’a jamais marché. La part modale du fer n’a cessé de se réduire. Et qu’on ne vienne pas, là aussi, nous expliquer que c’est à cause de la « concurrence déloyale » des camions.

Les raisons sont autres et de nature structurelle.

A l’heure où se profilent de nouvelles taxes alourdissant la charge fiscale des entreprises de transport routier, avec pour seul effet de continuer à obérer leur compétitivité et retarder leur transition énergétique, il est bon de rappeler, sans polémique, que cela ne va pas relancer le fret ferroviaire ou encore, comme les objectifs affichés, le doubler à horizon 2030.

Cela ne fera que favoriser la concurrence étrangère d’entreprises de transport routier.

Et si peut-être, aux yeux des instances européennes, ce sont les consommateurs finaux qui y gagneront, les citoyens, eux, perdront à tous les coups.

Florence Berthelot

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