Un Noël imaginaire
-C’est curieux comme les fêtes de Noël nourrissent l’imaginaire : on imagine la neige, les guirlandes lumineuses, le sapin décoré (avec le chat qui saute dessus toutes les trois minutes), la joie des petits, la réconciliation des grands autour d’un repas généreux et apaisé, les cadeaux enrubannés, les chiens qui dorment au pied de la cheminée où brûle un feu joyeux. Et en arrière fond, de la musique avec des violons et des clochettes.
Sauf qu’en fait, c’est rarement ça.
Primo, il ne neige pas (la faute au rechauff… non au changement climatique). Au pire, il tombe un crachin grisâtre parfaitement désagréable. Deuxio, il n’y a pas de cheminée, donc pas de feu. Tertio, dès que la famille est réunie, une fois sur deux ça tourne au pugilat sur tout et n’importe quoi : la cuisson du chapon, la température du foie gras, et « moi je préfère la bûche à la crème au beurre ». Quand ce n’est pas, sur des questions de politique ou de société (le prochain qui me dit qu’il faut mettre les camions sur les trains reçoit ma main dans la figure…).
Et puis on n’a ni chien ni chat.
Si on maintient tant bien que mal l’illusion auprès des enfants que Père Noël est en capacité de livrer tous les cadeaux, tous à la fois, dans toutes les maisons (y compris celles qui sont dépourvues de cheminées), les adultes tentent de faire bonne figure devant des présents incongrus (vêtements aux mauvaises couleurs, gadgets parfaitement inutiles, ou livres qu’on n’aurait jamais eu l’idée d’acheter).
J’entends déjà « Ah la la, Florence! Faut-il vraiment faire preuve de cynisme pour le dernier édito de l’année ? ».
C’est réaliste, c’est tout. (sourire en coin)
Maintenant, quand des êtres chers vous ont quittés et qu’au fil des années il y a de moins en moins de monde autour de la table, quand d’autres sont au bout du monde, ou pour certains malades, l’imaginaire n’a pas sa place.
Quand on se fiche de savoir ce qu’on va manger ou ce qu’on va recevoir ; quand on souhaite juste être en bonne compagnie avec des proches avec lesquels on peut encore rire aux éclats, tenir des conversations politiquement incorrectes, goûter tel ou tel vin (ou pire les alcools improbables au fond du placard dédié) en picorant des noix et des amandes, jouer à des jeux idiots en se remémorant les bons moments.
Cette année (bissextile et olympique) a été tellement bizarre : troublée, triste, parfois même tragique, fébrile. N’en garder que les moments de grâce, les belles rencontres, les exploits et les images lumineuses. N’en prendre que le meilleur et l’emporter pour l’année d’après.
Voilà, tout ce que l’on peut vous souhaiter en cette fin d’année, un peu ou -mieux encore- beaucoup d’amour.
« N’empêche qu’il faudrait mettre les camions sur les trains… ».
(Tu sors !)
Florence Bethelot