Un sacré tour de Rhin
3min -Les ministres de l’Economie européens ne sont pas à la fête cette semaine. Ce dernier dimanche, c’est Bruno Le Maire qui est venu expliquer que finalement la croissance française en 2024 ne serait pas de 1,4% mais seulement de 1% et qu’il fallait trouver d’urgence 10 milliards d’économies. A priori c’est l’Etat qui va se serrer la ceinture. Déjà dans l’édito précédent, on avait parlé des rabots sur les aides à la transition énergétique. Manifestement cela ne va pas s’arranger puisqu’un programme énergie-climat est amputé d’un milliard tant que le « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » perd plus de 400 millions.
Soyons prudents sur les chiffres annoncés, l’expérience prouve que les chiffres sont toujours supérieurs.
Et ce qui se passe en Allemagne devrait nous mettre la puce à l’oreille. En effet, le 21 février, le ministre de l’Economie, Robert Habeck a annoncé que les prévisions de croissance allemandes sont drastiquement abaissées de 1.3% à ... 0.2% ! Apparemment on est bien plus pessimiste outre-Rhin qu’en France, car même pour les années à venir, on table sur une croissance maximum de +0.5% en moyenne. Rappelons qu’en 2023, le PIB allemand a connu un recul de 0.3%.
Alors évidemment, on invoque la chute du commerce international, les risques géopolitiques et les changements démographiques, et même la « baisse de l’envie de consommer ».
Curieusement, on reste très pudique sur la flambée des coûts de l’énergie qui plombe l’industrie allemande et un vaste mouvement de délocalisation des entreprises industrielles vers des pays où l’énergie reste à des coûts raisonnables ou qui ne versent des subventions qu’aux entreprises produisant sur leur sol. Là on parle clairement des Etats-Unis et de l’Inflation Reduction Act qui est un vaste programme de 400 milliards de dollars.
Sans oublier, des taux d’intérêt très élevés qui pèsent sur les capacités d’investissement.
Quoiqu’il en soit, si l’Allemagne s’enrhume, c’est toute l’économique européenne qui tousse au regard de sa position de longue date de première économie européenne. Notons que parmi les annonces qui ont suivi, figure l’arrêt total des aides publiques à l’acquisition de véhicules lourds électriques.
A trois mois des élections européennes, tout l’enjeu va être de savoir, si la réponse à ce marasme économique sera laissée à chaque Etat, ou sera abordé dans une approche européenne.
La réponse ne sera peut-être pas si évidente. La tentation sera grande pour les Etats-membres de jouer « perso » et non pas « collectif ».
En tous cas, le financement de la transition énergétique en prend un coup. Alors même que le Parlement et la Commission européenne essaient de boucler à marches forcées les derniers textes du Green Deal, les tours de vis budgétaires risquent de mettre à mal les belles ambitions affichées jusqu’à présent.
On ne pourra pas continuer longtemps à promouvoir l’acquisition et l’usage de véhicules beaucoup plus coûteux si les opérateurs ne sont pas aidés. On ne pourra pas non plus fanfaronner sur des objectifs impossibles, si des pays jusqu’ici florissants, font aujourd’hui grise mine.
Un tour de rein n’est jamais bon pour le squelette. Et en plus, cela fait marcher de travers. Idem pour l’Union européenne s’il s’agit d’un « tour de Rhin ».
Florence Berthelot