Cabotage en France : détache-moi

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Cabotage en France : détache-moi

Le décret sur le détachement des salariés dans le transport a été publié au début du mois d’avril. Il vise à préciser les modalités opérationnelles de l’application des dispositions de la loi française –salaire minimum, durée du travail…- à des salariés étrangers détachés en France. Ce décret, pris en application de la loi Macron -loi bien moins libérale qu’on ne l’a annoncée- fait grand bruit, moins en France que partout ailleurs en Europe.

Car les textes français ont un défaut majeur : ils ne disent nulle part quand on doit appliquer le détachement. Au cabotage ? Très probablement. Au transit ? Très probablement non. A la partie française d’un transport international ? Nul ne le sait. Un flou artistique qui est loin d’être anodin. De même, aux yeux de la loi, les destinataires français sont les donneurs d’ordre du détachement. Ils sont donc en charge de vérifier que la loi nationale est bien appliquée. Faire systématiquement du destinataire des marchandises un donneur d’ordre, si on connait un peu son droit des transports, il y a de quoi en perdre son latin.

Le but affiché par les pouvoirs publics n’est-il pas de lutter contre la concurrence déloyale ? Selon un raisonnement un peu raccourci, obliger les entreprises étrangères à payer leurs conducteurs au salaire français, dès lors qu’ils mettent une roue sur notre territoire, doit rendre ces concurrents plus chers, et donc moins attractifs en termes de prix. Mais, c’est oublier que, lorsqu’on applique le détachement, les charges sociales restent payées dans le pays où l’entreprise employeur est établie. C’est oublier que, dans le salaire, on peut intégrer, selon la jurisprudence européenne, l’indemnité journalière. Dans certains pays, ce sont ces indemnités non chargées qui font la majeure partie de la rémunération des conducteurs. Et c’est tout le problème ! C’est oublier aussi qu’en matière de contrôles, les inspections du travail rechercheront souvent la responsabilité du seul destinataire français… En réalité, il y a fort à parier que nombre de conducteurs européens se bousculeront pour faire du cabotage ou du transport international en France, très légalement. Et les entreprises qui les emploient s’organiseront en conséquence. Les entreprises françaises n’en seront pas plus compétitives, leurs marchés n’en seront pas moins attaqués. Au moins, on dira qu’on a tenté de faire quelque chose. Même si dans quelques mois on doit s’apercevoir que c’était parfaitement inefficace...

Florence Berthelot

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