La grande dépression
-Une cheffe d’entreprise me disait récemment « C’est fou quand même. Je suis quasiment obligée d’attendre chaque automne la loi de finances, pour savoir si je vais arriver à gagner de l’argent l’année prochaine ».
Je rajouterai : « et pas seulement la loi de finances mais aussi le projet de loi de financement de la sécurité sociale ».
Cette année, nous ne serons pas déçus. On s’y attendait, on avait prévenu : c’est le matraquage à tous les étages. Si pour le transport routier, nous échappons pour l’instant à un rabot de la ristourne TICPE (malgré des amendements déposés en ce sens), nous sommes bien concernés par toutes sortes de mesures : rabot des allègements généraux de charges, révision des règles sur la déduction forfaitaire spécifique, disposition sur les arrêts maladie, transfert vers les mutuelles, augmentation de l’IS (encore faut-il gagner de l’argent pour le payer celui-là).
Les particuliers ne seront pas épargnés avec la hausse de la TVA sur les factures d’électricité et de gaz mais qui ne devraient pas impacter les factures… Ben voyons. Nous prendrait-on vraiment pour des imbéciles ?
Le pire ? C’est que si nous voulons vraiment arriver à réduire les déficits, il faudra faire un effort supplémentaire de même ampleur tous les ans pendant au moins 5 ans.
Les économies ? Ça, c’est une autre histoire : apparemment, on ne sait pas où les faire. C’est curieux parce que chacun a une idée là-dessus. Mais chacun n’est ni ministre, ni député, ce qui signifie que nous n’y connaissons rien.
Une grosse déprime s’est emparée de beaucoup d’entrepreneurs. Si le nombre de défaillances reste dramatiquement élevé, le plus inquiétant reste le nombre impressionnant de liquidations directes.
Pas de souhait ou de possibilité de plan de redressement, le découragement après des crises qui succèdent aux crises.
C’est la grande dépression pas forcément au sens économique mais aussi et peut-être surtout au sens moral et mental.
Personne ne croit plus en rien en regardant le triste spectacle des personnalités politiques qui vous parlent de réindustrialisation et laissent filer la propriété d’un célèbre médicament à un fonds étranger, la promesse de transition verte alors que l’on n’en a pas les moyens et que l’on réduit les budgets qui y étaient consacrés, la promesse d’exemplarité quand on s’augmente sa dotation en demandant à tout le reste du monde de faire un effort.
Faire un effort pour son pays, qui pourrait dire non ? Mais faire un effort pour que rien ne change, pour que ce soit toujours les mêmes qui paient, pour que les réformes (les vraies) ne soient jamais engagées ? la réponse ne sera même pas un « non », même pas une révolution.
Il n’y aura pas de réponse du tout. Juste une totale indifférence. Juste le cri muet du désespoir.
Qui devient assourdissant (à ceux qui veulent bien tendre l’oreille).
Florence Berthelot