Qui veut les clés du camion ?

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Qui veut les clés du camion ?

« Alors, vous allez bloquer les routes ? ». C’est pénible. Même en vacances, on ne vous lâche pas avec ça. De toutes façons, tout le monde a un avis sur ce que vous faites. Et surtout ceux qui n’y connaissent rien. Quand on est dans un secteur d’activité, quel qu’il soit, on comprend qu’on n’a des autres secteurs qu’une vision parcellaire, raccourcie qui est généralement celle qui est véhiculée par les médias.

Autour de l’apéro, les opinions définitives fusent « Tous ces camions… », « c’est quand même beaucoup de pollution », « c’est dangereux » et bla et bla… Vous argumentez, vous donnez les vrais chiffres, alors qu’on est censé être en vacances, zut ! Remarquez, on peut en rire aussi. Car Il y en a toujours (forcément) un (ou une) qui vous serine : « il faudrait mettre les camions sur les trains ». Et là, vous relevez un sourcil et vous répondez « Ici ? ». Et vous regardez aux alentours. Le village est situé à mille mètre d’attitude, et on est sur une île (la Corse, mais ça pourrait être n’importe quelle autre île à part le Royaume-Uni). Autant dire que les quelques tentatives ferroviaires se sont toutes soldées par des abandons très rapides. Un peu gênée, la personne répond « non, pas ici, mais ailleurs ». Ailleurs ça ne marche pas mieux. Surtout à une époque où on veut se faire livrer à domicile et qu’on n’a pas trouvé le moyen de faire du porte-à-porte en wagon. Quand on se lasse de ces longues discussions, où de toutes façons personne n’a l’intention de changer d’avis, il ne reste parfois qu’un « coup de théâtre » pour marquer les esprits : on sort le trousseau de clés, on le jette bruyamment entre le saucisson et le fromage, et on vide son sac : « J’en ai marre d’entendre des gens me dire comment il faudrait faire pour livrer autrement tout ce qui se trouve ici ! Aucun de vous ne serait capable de faire ce que font les entreprises de transport ! Vous ne voulez plus de camions ? Voilà les clés, et débrouillez pour transportez vous-mêmes et autrement ! ». Silence gêné. « T’énerves pas…on ne fait que parler ».

Justement arrêtez de parler sans savoir, pense-t-on en rongeant son frein. On finit néanmoins par sourire et la tension retombe. Parlons plutôt politique. Alors qu’on sourit parce qu’en réalité, personne n’a relevé que le trousseau de clés qu’on a jeté sur la table, ce sont les clés de la maison de vacances…

Florence Berthelot

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