Voyage en Absurdie

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Voyage en Absurdie

« Il est interdit de venir siéger en armure au Parlement. Encore plus d'y mourir, sous peine d'être arrêté. Il est permis de tuer un Ecossais dans les murs de l'ancienne ville d'York , mais  seulement s'il porte arc et flèches». Ces lois devenues au cours du temps décalées et donc absurdes font le régal des juristes. Reliefs du passé, d’une histoire, ces lois qu’on a oublié d’abroger demeurent ici ou là. Ce qui figure plus haut sont des lois britanniques encore en vigueur. On se doute bien que les Anglais, à l’humour légendaire, l’ont peut-être fait exprès.

Ce sont d’ailleurs eux, non sans malice -surtout quand il s’agit d’épingler les Français- qui s’interrogent sur un point très particulier, concernant les nouvelles dispositions dites « Macron » sur l’application du détachement aux salariés du transport. En effet, il est prévu que le salarié étranger, contrôlé sur le territoire français, au cours d’une opération de cabotage ou en transport international (hors transit), soit en mesure de présenter son contrat de travail. Il est précisé « La traduction du contrat de travail en langue française n'est pas obligatoire ». Déjà, le cas dans lequel il n’y a pas de contrat de travail n’est pas abordé... Mais surtout, pourquoi les salariés étrangers devraient-ils présenter leur contrat de travail - non traduit- et pas les français ? On devine ici l’argument de la discrimination qui est aussi une explication de la mesure d’infraction lancée contre la France par la Commission européenne. Cette absence de traduction peut d’ailleurs aboutir à des situations farfelues : peut-on être sûr devant un document en polonais, bulgare ou hongrois qu’on n'est pas en train de déchiffrer un contrat d’assurance habitation, une dissertation de philosophie, ou un chapitre de « L’insoutenable légèreté de l’être » de Milan Kundera ? On ne le peut pas. Mais on doit le faire. C’est comme ça.

Le problème c’est que face à des dispositions absurdes, on peut s’interroger d’une part de l’efficacité de la mesure et d’autre part de la possibilité du contrôle. Peut-être en arrivera-t-on jusqu’aux tribunaux en cas de litiges ? La jurisprudence n’est pas non plus avare d’exemples de jugements étonnants : ainsi un tribunal de police qui devait sanctionner un conducteur dangereux et roulant sans permis, faute de pouvoir lui retirer le permis de conduire, lui a retiré... le permis de chasse.

Florence Berthelot

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